BFMTV et Pascal Praud valident la chloroquine pour guérir du Covid-19

Tandis que BFMTV assure la promotion de la chloroquine pour traiter le Covid-19, sur CNews, Pascal Praud tresse des lauriers au professeur Didier Raoult, s’évertue à promouvoir des discours néfastes à la santé publique et relaie les délires conspirationnistes de l’extrême-droite.

Par Samuel Gontier

Publié le 26 mars 2020 à 13h05

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h26

«Priorité au direct !, clame le présentateur de BFMTV lundi matin. On est devant l’IHU, c’est l’Institut où travaille le professeur Raoult. Ces gens qui sont là font la queue parce qu’ils vont demander des tests. » Et de la chloroquine. « Didier Raoult a lancé cet appel : “Venez, je vais vous tester et, si vous êtes positif, on va immédiatement vous traiter.” » La journaliste santé s’étonne : « Incroyable, cette scène ! » Incroyable ? Pas vraiment. BFMTV et Cnews, grâce à l’indépassable Pascal Praud, ont largement contribué à ce qu’elle se produise en assurant une large publicité à Didier Raoult et à son traitement miracle.

 

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La campagne publicitaire a timidement débuté samedi. « À Marseille, rapporte Apolline de Malherbe, on a le docteur Raoult qui dit qu’il y a des tests positifs sur… redites-moi le nom de ce traitement… » « La chloroquine », répond le docteur Marcel Ichou. « Voilà. Est-ce qu’il faut y voir un espoir ? » Ses deux invités, Marcel Ichou et Patrick Aïdan, de l’Hôpital américain de Paris, sont plus que sceptiques. « Ce que je reproche au professeur Raoult, c’est de l’avoir dit trop tôt. » « C’est trop tôt pour en parler. » « Valider un test, ça demande du temps et une méthodologie. » « On a des règles strictes en science, il faut les respecter. »

Le lendemain, changement de ton. Le sujet « chloroquine » figure dans tous les journaux de la chaîne et s’invite dans tous les débats. Son principal promoteur est une sommité du monde médiatique, Christian Estrosi, maire de Nice et motodidacte en infectiologie. « Vous le voyez, Christian Estrosi a indiqué que l’hôpital de sa ville allait être approvisionné pour mettre en place le protocole du professeur Didier Raoult. » Le tweet apparaît : « J’ai obtenu satisfaction. Nice et son CHU validés et approvisionnés pour mettre en place le protocole du professeur Didier Raoult. » Voilà les Alpes-Maritimes certaines d’être guéries du Covid-19 grâce à la lucidité du professeur Christian Estrosi.

 

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« Depuis un mois, elle divise la communauté scientifique : la chloroquine », annonce un reportage. Des avis divergents de scientifiques sont exposés. Mais la communauté politique (de droite), elle, est unanime. « On est donc en direct avec Valérie Boyer, annonce Apolline de Malherbe. Vous avez été hospitalisée, votre état était sévère, vous êtes de retour chez vous. D’abord, dites-nous comment vous allez, comment vous avez été soignée. » « Lundi, j’ai senti des signes donc j’ai décidé de me rendre à l’unité de Didier Raoult à Marseille, j’ai eu un dépistage. A Marseille, nous sommes privilégiés avec cet équipement incroyable. » Qui guérit tous les malades du Covid-19.

« J’ai accepté de suivre le traitement expérimental, poursuit la députée LR, c’est le fameux chloroquine. Je prends ce traitement depuis lundi soir… » « Vous vous sentez clairement mieux ? » « Je sais pas. C’est difficile à dire (…) Une chose est sûre, je n’ai pas de fièvre. » Preuve de l’efficacité du traitement. « Vous êtes suivie par Didier Raoult, vous vous sentez bien, résume Apolline de Malherbe. Il y a certains médecins qui estiment qu’il a parlé trop vite de la chloroquine mais dans d’autres pays, aux Etats-Unis, Donald Trump a carrément dit que la chloroquine était sans doute l’espoir et il a promis d’en avoir pour les Américains. » Rappelons que Donald Trump est aussi compétent en infectiologie que notre plus grand spécialiste français, Christian Estrosi. « Quel regard vous portez la-dessus ? »

 

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« Je voudrais dire le privilège qui est le nôtre d’avoir des grands chercheurs comme Didier Raoult, vante Valérie Boyer. Nous n’avons pas affaire à des charlatans mais à des hommes de science. » En l’occurence, un homme de science climato-négationniste, comme en témoigne cet article du Monde exhumé par le Groupe Jean-Pierre Vernant : « Après une poussée thermique notable dans les années 1990, la Terre a globalement arrêté de se réchauffer en 1998 », affirmait-il au Point en 2014, concluant que « le réchauffement climatique est incertain et la responsabilité de l’homme discutable ».

« Je rappelle que Didier Raoult est un spécialiste mondial des maladies intracellulaires. Il suffit que vous tapiez sa fiche Wikipedia pour voir tout ce qu’il a pu mettre en œuvre. » Et il suffit d’écouter sa réponse visionnaire quand il est interrogé, le 21 janvier, sur la dangerosité du coronavirus. « Le monde est devenu complètement fou. Il se passe un truc où y a trois Chinois qui meurent, ça fait une alerte mondiale, ça passe à la télé, à la radio. Il n’y a plus aucune lucidité. C’est tellement dérisoire que ça finit par être hallucinant. » En effet, le monde est complètement fou. Il se passe un truc ou y a un type qui prétend avoir trouvé un médicament miracle contre le Covid-19, ça fait une alerte mondiale, ça passe à la télé, à la radio. Alors que l’étude du professeur Raoult souffre de biais méthodologiques — et d’une publication entachée par un conflit d’intérêt (le directeur de la revue où elle a paru est aussi un salarié de l’Institut de Didier Raoult) — ce qu’ont montré moult articles (France Culture ici, Mediapart , ce thread sur Twittter)…

 

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« Merci pour votre témoignage, Valérie Boyer », salue Apolline de Malherbe, qui ne ménage pas sa peine pour promouvoir une molécule dont la veille elle ignorait le nom. « Ecoutons le témoignage de ce médecin qui s’est auto-traité à la chloroquine, il explique ses symptômes et sa façon de s’être soigné lui-même (sic). Ecoutez. » « Dès le jeudi matin, une fièvre, des courbatures, la fièvre est montée assez fort… Je me suis dit : “J’ai rien à perdre, je me suis fait une ordonnance. L’évolution a été incroyable, jamais j’aurais pensé être dans l’état dans lequel je suis aujourd’hui. Je ne m’attendais pas à une évolution aussi impressionnante. Je n’ai pas la preuve scientifique et je ne l’affirme pas mais c’est extrêmement, extrêmement frappant, troublant. » Christian Estrosi avait raison.

 

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Puis Apolline de Malherbe reçoit Christian Perrone, chef du service infectiologie à l’hôpital Raymond-Poincaré, qui déborde d’enthousiasme pour la chloroquine. Et qui n’a personne pour le contredire, c’est pratique. « La chloroquine semble marcher, même si les données sont pas très bonnes sur le plan scientifique aujourd’hui. » Mais la science, on s’en fiche. « Y a le professeur Raoult qui a confirmé sur vingt-quatre malades. » Moins de la moitié, en réalité. « C’est pas cher à produire, faut que Sanofi lance dès demain les chaînes de fabrication pour fournir des millions de doses. Il faut qu’y en ait partout, dans les hôpitaux… » Dans les pharmacies, les supermarchés, les tabacs, les studios de BFMTV.

« C’est pas éthique de rien faire chez des gens qui vont peut-être aller en réanimation le lendemain, s’emporte Christian Perrone, c’est inacceptable sur le plan éthique. » Ce qui est inacceptable sur le plan éthique, c’est de donner de faux espoirs, réplique Françoise Barré-Sinoussi dans une tribune du Monde. Au risque de créer ou d’aggraver la défiance de la population vis-à-vis des médecins. « On sait qu’il y a un médicament qui peut marcher, on le donne à tout le monde. » Même aux personnes qui ne sont pas malades ?

 

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« Quand vous entendez le professeur Raoult dire “je suis en avance, on ne me laisse pas être en avance”, vous êtes d’accord ? », demande le spécialiste santé de BFMTV. « Je suis entièrement d’accord. Son étude est pas parfaite sur le plan scientifique. » Mais la science, on s’en fiche. « Faut arrêter d’exiger des études avec des centaines de patients. Comme dit notre président, c’est la guerre, faut y aller. » Même si cette métaphore martiale n’a absolument aucun sens face à une épidémie, comme le démontre Claire Marin dans cet article. « J’ai lu que le laboratoire Teva va en produire des millions de doses pour les Etats-Unis, révèle Christian Perrone. Pourquoi en France on attendrait ? » Parce qu’il nous manque un Donald Trump. « Les réticences viennent aussi du monde médical », note Apolline de Malherbe. « C’est normal, le monde médical a été totalement formaté : pour qu’un médicament soit autorisé, il faut qu’il y ait tout un tas d’études sur des milliers de gens, tirage au sort, comparaison avec placebo… » Maudite démarche scientifique ! Elle est inacceptable sur le plan éthique.

Comme l’illustre l’édifiante vidéo dénichée par @Le_Doc, les arguments de Christian Perrone (les mêmes que ceux de Didier Raoult) ressemblent étrangement à ceux des promoteurs de la ciclosporine, présentée en 1985 comme un médicament miracle contre le sida et dont la promotion précipitée provoqua un scandale. Eux aussi revendiquaient une absence d’éthique scientifique. « Compte tenu de la force de notre hypothèse, nous ne pouvions pas éthiquement continuer à garder le secret et marcher selon les lois de la déontologie scientifique habituelle … »

Lundi matin, alors que la file d’attente s’allonge devant l’IHU à Marseille, BFMTV diffuse un tweet reprenant les propos du Directeur de la Santé publique des Alpes-Maritimes : « Christian Estrosi a “le sentiment d'être guéri” du coronavirus en prenant un traitement à la chloroquine. » Or on sait que le « sentiment » du professeur Christian Estrosi a valeur de preuve dans la communauté scientifique — pardon, dans la communauté politique (de droite).

 

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« Comment allez-vous et comment avez-vous vécu le traitement à la chloroquine que vous avez suivi ? », demande le présentateur. « Je l’ai suivi parfaitement bien, j’en suis au sixième jour, j’ai le sentiment d’être guéri, répond Christian Estrosi. Je suis en pleine forme. » Alors que, sans chloroquine, c’est certain, il serait déjà en réanimation. « J’ai décidé de faire confiance au professeur Raoult. Je sais qu’il y a un débat scientifique, mais lorsque la guerre est déclarée, on n’a pas le temps d’expérimenter sur des souris pendant six mois. » Des souris ? J’ignorais qu’elles étaient porteuses du coronavirus. « À partir du moment où on a une solution déjà testée qui semble porter ses fruits, je ne vois pas pourquoi la France s’en priverait. » Parce qu’il nous manque un Donald Trump.

Sur Cnews, Pascal Praud ne manque pas de s’emparer du sujet. « Tout le monde connaît désormais la chloroquine. Tout le monde a un avis dessus, c’est formidable. » Y compris Pascal Praud. « En France, aujourd’hui, on a 60 millions de médecins. » Dont Pascal Praud. Un reportage explique : « L’étude de Didier Raoult sur vingt-quatre patients a donné des résultats édifiants. Tous, après six jours de traitement, n’avaient plus aucune trace de Covid-19 dans le sang. » Ce résumé donne aussi un résultat édifiant : il prouve scientifiquement que son autrice ne s’est absolument pas renseignée sur l’étude en question — au point de confondre le Covid-19 (la maladie) avec le coronavirus (le virus qui cause la maladie).

 

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Pascal Praud offre d’« écouter le professeur Didier Raoult. D’abord un premier passage sur le confinement » : « Les trois pays dont la situation n’est pas contrôlée actuellement, c’est l’Italie, la France et l’Espagne. Donc c’est probablement pas des modèles. Le confinement n’empêche une évolution exponentielle. » Tout le monde dehors ! On va enfin retrouver une vie normale. « On peut se demander s’il ne faut pas repartir sur ce qu’a fait la Corée c’est-à-dire multiplier les tests et n’isoler que les gens positifs. » Pascal Praud commente : « Je suis un peu ennuyé parce que ça va contre l’avis général des médecins. » Mais ça ne m’ennuie pas de lui faire de la publicité. « Je suis ennuyé parce que je ne veux pas donner la parole à Raoult qui n’est pas la même que la parole officielle… » Mais je lui donne quand même la parole. « Je veux pas privilégier une parole par rapport à une autre. » Mais je privilégie la parole de Raoult et n’en propose pas d’autre.

« Il dit qu’il faudrait tester tout le monde. Mais c’est absolument impossible donc c’est nul et non avenu, convient Pascal Praud. Mais pourquoi il le dit alors ? » Pour que Pascal Praud puisse le diffuser. « Entendre ça, c’est totalement perturbant pour les gens, déplore la docteure Brigitte Milhau, spécialiste santé de CNews. C’est ça le vrai problème. » Mais ce n’est pas celui de Pascal Praud, qui lance un deuxième extrait de Didier Raoult : « Si on regarde la mortalité de cette maladie, sur le bateau de croisière coincé par les Japonais, sur 3 000 personnes, y en a 700 qui sont tombés malades et 7 qui sont morts. Dans une population âgée, la plus à risque, la mortalité est de 1 %. Donc il faut arrêter de raconter des choses qui terrifient les gens. Je ne vois pas de signaux de mortalité redoutables. » Si des centaines de gens mourraient dans nos hôpitaux et nos Ehpad, ça se saurait.

 

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Pascal Praud en vient au traitement miracle. « La chloroquine est un espoir, estime Brigitte Milhau, mais en médecine, on va pas se baser sur un essai sur vingt-quatre personnes. » « C’est pas vrai, ce que vous dites !, s’oppose Pascal Praud. Y a des protocoles qui sont faits, on n’a pas besoin d’attendre deux ans d’expérience. » Pascal Praud est donc capable de contredire la seule médecin du plateau. Sans doute grâce à son diplôme de virologue obtenu à l’Institut Chrisitan-Estrosi.

« Pour des patients qui sont en réanimation, qui ont des problèmes cardiaques, insiste Brigitte Milhaud, donner un médicament qui a une influence sur les problèmes cardiaques… Vous comprenez que l’essai Discovery est important… » « J’entends, j’entends », l’interrompt Pascal Praud, qui a une information importante à relayer. « Certains disent : c’est une question de fric. Ils nous disent “lui il a trouvé mais y a une vraie bataille pour les labos et comme ça [la chloroquine], ça coûte rien du tout…” » Les labos font tout pour décrédibiliser la chloroquine et son génial promoteur : c’est le refrain entonné par toute la fachosphère depuis le week-end dernier, André Bercoff ou Gilles-William Goldandel en tête. Et repris par Pascal Praud ce lundi.

 

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Brigitte Milhaud tente d’objecter : « Sanofi a dit qu’il mettrait à disposition le traitem… » Mais Pascal Praud ne veut pas l’entendre. « Nan mais vous l’entendez, l’aspect financier. » L’aspect complotiste. « Alors, faut tordre le cou à cela ou le prendre en compte ? » Il faut le prendre en compte sur Cnews. « Non, on ne parle pas de l’aspect financier, s’oppose encore Brigitte Milhau, on parle d’urgence ou pas, de mettre un traitem… » Mais Pascal Praud ne veut pas l’entendre. « Elisabeth Levy voulait poser une question. » « Vous avez posé les questions que je me posais, c’est bon. » Pour les questions de fachos, on peut compter sur Pascal Praud.

Seul Gérard Leclerc réussit à s’opposer au délire complotiste de Pascal Praud. « Je ne veux pas croire à cet argument. On est en train de dire que les gouvernements, face à ce cataclysme, pour faire plaisir aux laboratoires, ne développeraient pas ce truc-là ? C’est inimaginable. » « Vous avez raison. Moi je me fais l’écho… » Des conspirationnistes d’extrême-droite, comme souvent.

 

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Non content de promouvoir Didier Raoult, Pascal Praud entreprend de relayer une tribune de Jean-Dominique Michel, dont il lit des extraits. « Il s’agit d’une épidémie banale, les affections respiratoires font chaque année 2,6 millions morts à travers le monde. Avec le Covid-19, nous en sommes à 12 000 décès. Vrai ou faux ? » « Non !, s’exclame Brigitte Milhau. Vous pouvez pas dire “s’il y a un peu moins de morts c’est pas grave”. » Pascal Praud insiste. « Il dit : “Le virus est bénin en l’absence de pathologie préexistante.” » « Nan mais regardez toutes ces personnes décédées qui étaient jeunes et en bonne santé donc… » Pascal Praud l’interrompt : « A 99 %, il dit que non. »

Brigitte Milhau conteste et ajoute : « En plus, c’est pas le moment. » « Pas le moment ?, proteste Pascal Praud. Mais il faut peut-être relativiser. » « Pensez aux victimes… », suggère Brigitte Milhau, à nouveau interropue par Pascal Praud. « Nan-nan, moi je fais pas de morale. » Ou alors de la morale d’extrême-droite. « Ce qui m’intéresse, c’est les faits. » Les faits non vérifiés. « Moi, je veux savoir si cette maladie est bénigne si on n’a pas d’autre pathologie. » « Je vous dis qu’il y a des patients qui n’ont pas de pathologie associée et qui en décèdent ! » Oui mais Brigitte Milhau n’a pas la science infuse de Pascal Praud, qui lit Jean-Dominique Michel : « 99 % des personnes décédées souffrent d’une à trois pathologies chroniques. » « Et quand bien même ce serait le cas !, s’indigne Gérard Leclerc. Ça veut dire que s’ils ont une autre pathologie, tant pis, on peut les laisser mourir ! » « Mais ce qu’on veut, c’est comprendre, objecte Pascal Praud. Moi j’ai pas d’avis. » On peut les laisser mourir.

 

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L’animateur consulte les messages des téléspectateurs. « Y a beaucoup de témoignages sur la chloroquine. » Il lit un de ces « témoignages » qui est en réalité un point de vue (tout en nuance) : « On n’est pas en médecine classique, on est en guerre, si nous ne tentons pas le traitement de la chloroquine, on est des dingues. » Gérard Leclerc rétorque : « Mais on tente puisqu’on a autorisé à le faire ! » Elisabeth Levy s’indigne : « Il a quand même fallu un certain temps ! » Si Christian Estrosi avait été Premier ministre et Pascal Praud ministre de la Santé, on aurait gagné un temps précieux.

 

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Brigitte Milhau tente de se faire entendre. « C’est peut-être pas l’heure de donner des informations contradictoires. » Même si l’exemple vient d’en haut : le gouvernement s’est fait une spécialité des injonctions contradictoires. « Quand on dit que c’est une banalité et qu’il y a 5 000 morts en Italie, quand on voit à Bergame ces cercueils qui passent, je trouve que c’est irrespectueux. » L’irrespect est un métier, Pascal Praud est son héraut. « Tout doit être nuancé, plaide-t-il. Moi, je suis surpris que dans cette période-là il y ait une forme de radicalisation qui se met en place. » La radicalisation de Pascal Praud ? Elle est depuis longtemps documentée.

Le soir, l’animateur offre l’avis éclairé d’un autre épidémiologiste de génie, également formé à l’Institut Christian-Estrosi. Le bandeau clame « Confinement : l’avis de Michel Onfray. » L’avis que j’attendais. Pour compléter celui de Didier Raoult. « Je crois savoir que vous n’êtes pas en métropole », suggère le présentateur. « Je suis en Martinique où j’ai une maison et le confinement m’a surpris là. » Pauvre philosophe. Il raconte qu’il va précipiter son retour Paris. Pas question de risquer d’être soigné dans un hôpital ultramarin rempli, il faut à une telle pointure de la pensée des hôpitaux d’excellence. Pascal Praud reprend : « J’ai lu votre blog. “Faire la guerre : le confinement n’est pas nécessaire”, écrivez-vous. » « Non, j’ai pas dis ça », dément l’intéressé. Pascal Praud est très déçu.

 

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Avec brio, Michel Onfray révèle que, si c’était lui qui était aux commandes du pays, l’épidémie n’aurait causé aucun souci car il avait tout prévu en janvier dernier. Le génie visionnaire s’inquiète des mesures prévues par l’état d’urgence sanitaire, expliquant qu’il est favorable à un pouvoir fort mais pas à celui de cette mauviette d’Emmanuel Macron : il préférerait un dictateur qui a « une vision » — au hasard, Michel Onfray.

Après cet indispensable éclairage, Pascal Praud revient sur la non moins indispensable chloroquine. Selon Ivan Rioufol, du Figaro, la circonspection de la grande majorité de la communauté scientifique provient de la « fracture territoriale. Au prétexte que ce médecin vient de Marseille, vous avez tout un établissement (sic) parisien qui se pince le nez en disant que ce type est un rigolo alors que c’est un immense scientifique ». Pauvre Didier Raoult ! Parce qu’il habite la France périphérique, il est victime des élites parisiannistes déconnectées de la réalité de la virologie.

 

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Pascal Praud diffuse le témoignage de Jean-Paul Hamon, médecin généraliste qui s’est auto-administré la chloroquine avant d’arrêter au bout de trois jours : « J’en pouvais plus de nausées insupportables. » « Je ne suis pas compétent », admet Ivan Rioufol. Mais ça ne m’empêche pas de donner mon avis. « Je regarde la Chine et la Corée du Sud qui ont appliqué cette méthode qui a marché puisque le virus n’est plus une menace. » Ah bon ? La Chine et la Corée ont distribué de la chloroquine à toute la population ? Première nouvelle.

« On est en guerre, rappelle le journaliste Sami Sfaxi. Il faut une première ligne de défense. » Une ligne Maginot. On sait faire. Ivan Rioufol ajoute : « Ça me fait penser à un type qui est en train de se noyer à qui il ne faudrait pas envoyer une bouée parce qu’elle n’est pas homologuée. » On peut lui envoyer une bouée en plomb. « A la guerre comme à la guerre. » Comme en 40. « On a la chance d’avoir un professeur qui travaille sur ces sujets depuis quarante ans, complète Sami Sfaxi, il faut utiliser cette molécule. » Même si le professeur depuis quarante ans a réalisé une étude sur six jours dans des conditions scientifiquement risibles.

 

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« L’opinion n’est pas experte, poursuit Ivan Rioufol, mais l’opinion fait confiance à cet homme-là. l’opinion a pris fait et cause pour le professeur Raoult. » « Ah bon ? », s’étonne Pascal Praud. On se demande comment. « Ah oui. L’opinion marseillaise, en tout cas. » Ainsi que l’opinion d’Ivan Rioufol et de la fachosphère. « Ça me paraît évident et ça révèle la fracture entre les élites et le peuple. » Rappelons que Didier Raoult et Ivan Rioufol appartiennent au peuple, pas aux élites. « Moi, je fais confiance à ce grand professeur mondialement connu plutôt qu’à un généraliste obscur qui prétend qu’il dit des bêtises. » Car l’obscur généraliste fait partie des élites mondialistes, au contraire du grand professeur mondialement connu.

« Sa position sur le confinement me semble très contestable », regrette Pascal Praud. « Il ne me semble pas, réplique Ivan Rioufol. Elle l’est tellement peu que les Etats-Unis vont la suivre. » Ah bon ? Pourtant, certains Etats, comme la Californie ou l’État de New York, ont depuis plusieurs jours décrété le confinement… Ivan Rioufol possède d’étranges sources d’information. Il a dû faire ses études de journalisme à l’Institut Pascal-Praud.

Ma vie au poste, le blog de Samuel Gontier

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