Un Belge sur sept vit sous le seuil de pauvreté

Payer son loyer, faire ses courses, régler ses factures de téléphone, de gaz ou d’électricité, sont autant de gestes de la vie quotidienne qui pour plus de 1,5 million de Belges relèvent du parcours du combattant.

Stéphanie Bocart
Un Belge sur sept vit sous le seuil de pauvreté
©Photonews

Payer son loyer, faire ses courses, régler ses factures de téléphone, de gaz ou d’électricité, sont autant de gestes de la vie quotidienne qui pour plus de 1,5 million de Belges relèvent du parcours du combattant. Un Belge sur sept, soit 14,7 % de la population, vit sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire qu’il ne dispose pas d’un revenu de 899 € par mois pour un isolé ou de 1 888 € pour un ménage composé de deux adultes et deux enfants.

Alors que 2010 a été décrétée "Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale" et que ce dimanche 17 octobre marque la "Journée mondiale du refus de la misère", "la paupérisation des Belges s’est accrue au cours des dernières années", constate Stephan Backes, chargé de mission au sein du Réseau belge de lutte contre la pauvreté (BAPN). Fait significatif, le nombre de Belges qui recourent aux banques alimentaires est en hausse pour la quatorzième année consécutive : ils étaient 115 000 en 2008, contre 70 000 en 1995.

"La pauvreté n’est pas une fatalité. Cela dépend des circonstances, comme perdre son emploi, divorcer, avoir des soucis de santé ", affirme Stephan Backes. Pour Alexis Andries, du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, "la pauvreté est un phénomène complexe. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de revenus. La précarité dépend aussi de l’âge, du sexe, de la situation sociale, etc." . Tentons de dégager les facteurs qui peuvent influer sur le risque de pauvreté.

1 L’âge. Le risque moyen de pauvreté est plus élevé chez les Belges de plus de 65 ans. Ainsi, 21,3 % de nos aînés sont susceptibles de verser dans la précarité tout comme 17,5 % des jeunes de 16 à 24 ans.

2 Le genre. "La pauvreté n’a en soi pas de sexe, mais les femmes ont davantage de risques que les hommes de se retrouver dans une situation précaire", assure Michel Pasteel, directeur de l’Institut pour l’égalité des hommes et des femmes. Pourquoi ? "Les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins par an que les hommes. Lorsqu’elles travaillent, c’est souvent à temps partiel ou avec des contrats temporaires." On relèvera encore que l’allocation moyenne des femmes au chômage s’élève à 71 % de celle des hommes.

3 L’origine. D’après les statistiques d’EU-SILC (Statistics on income and living conditions) en 2008, en Belgique, des personnes avec une nationalité non UE ont un taux de risque de pauvreté plus élevé. Le salaire moyen des immigrants non Européens est nettement plus bas que celui des Belges autochtones et leur risque de pauvreté est trois ou quatre fois plus élevé.

4 Les disparités géographiques. "Bruxelles est la région qui présente le pourcentage le plus élevé de sa population sous le seuil de risque de pauvreté", pointe l’Observatoire bruxellois de la santé et du social. De fait, 26,3 % des Bruxellois courent un risque accru de pauvreté, contre 10,1 % des Flamands et 19,5 % des Wallons. En cause ? Le taux de chômage élevé à Bruxelles (21 %) (contre 15 % en Wallonie et 7 % en Flandre) et des jeunes de moins de 25 ans (30 %); le retard scolaire d’une part importante des jeunes; le coût élevé du logement, etc.

Globalement, la pauvreté s’observe davantage dans les zones urbaines : les quartiers les plus défavorisés se situent surtout à Bruxelles, Charleroi, Liège, Anvers et Gand. "Mais la pauvreté existe aussi à la campagne", déclare M. Backes. On constate ainsi une grande précarité dans certaines zones rurales comme la Flandre orientale, les Ardennes flamandes ou le Pajottenland. Divers problèmes s’y concentrent tels qu’un faible réseau de transports publics, une population vieillissante

5 L’emploi. Travailler est un garde-fou important contre la pauvreté : le risque de pauvreté des Belges actifs (4,8 %) est inférieur à celui des personnes sans emploi (23,7 %), des chômeurs (34,8 %), des pensionnés (18,4 %) et d’autres personnes inactives (24,8 %).

Pourtant, "avoir un emploi n’est plus suffisant pour ne pas verser dans la pauvreté", assure M. Backes. "Le nombre de travailleurs pauvres a augmenté au cours des dix dernières années." Le pourcentage de travailleurs pauvres atteint 4,8 % en 2008, soit 220 000 personnes. Il s’agit souvent de travailleurs en situation professionnelle précaire (contrats temporaires ou à temps partiel, emplois peu rémunérés) combinée à un revenu du ménage insuffisant. Un pourcentage qui devrait gonfler avec les conséquences de la crise financière.

6 Quelles solutions ? L’Europe compte aujourd’hui 84 millions de citoyens précarisés, soit 16 % de sa population. Si la Belgique (14,7 %) est proche de la moyenne européenne, elle obtient toutefois de moins bons résultats que des pays limitrophes comme les Pays-Bas (11 %), la France (13 %) ou le Luxembourg (13 %). "La Stratégie de Lisbonne (2000-2010) est un échec, fulmine Stephan Backes . En dix ans, les inégalités sociales se sont creusées plus que jamais." Pour tenter d’y remédier, le BAPN plaide pour la mise en œuvre de la Recommandation de la Commission européenne relative à l’inclusion active. A savoir : 1) à tout le moins aligner le revenu minimum d’intégration sur le seuil de pauvreté européen. "Chez nous, le revenu d’intégration sociale est de 740 € par mois pour un isolé tandis que le seuil de pauvreté est fixé à 899 €", explique M. Backes; 2) garantir l’accès à des emplois de qualité et durables; et 3) garantir l’accès aux services publics et d’intérêt général (enseignement, santé, formation, petite enfance ).

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