Quand un père découvre la vie de son fils de 16 ans via Facebook

Interview > A.Ca.

C’est dangereux” , alerte Marc. Qui témoigne de la métamorphose de son fils de 16 ans, exacerbée par les réseaux sociaux…

BRUXELLES Marc (prénom d’emprunt) est papa de deux ados, l’un de dix-neuf ans, l’autre de seize. C’est du plus jeune dont il est ici question. Appelons-le Yann.

Marc est divorcé. Il décrit lui-même, sans prétention aucune, sa famille comme “normale, bien éduquée, avec des valeurs, pas riche, mais bourgeoise” . S’il souhaite conserver l’anonymat, c’est par simple protectionnisme envers son fils.

“Jusqu’à ses 15 ans, j’avais accès au profil Facebook de Yann. Il m’y autorisait. Il utilisait le réseau social de manière sage : il parlait sport, école, teufs avec ses copains de classe. On a toujours eu une relation très proche, très saine, lui et moi. Donc, quand il a décidé de changer son mot de passe Facebook, je ne me suis pas inquiété…”

Six mois plus tard, Yann, qui est chez son papa en garde partagée, oublie de fermer son profil Facebook, sur l’ordinateur de son père. Et là, Marc se lance dans ce qui n’est peut-être pas le plus recommandable, mais que bien de parents impliqués auraient fait à sa place. Il cherche. Et trouve. “Je suis tombé sur un message privé, dans le chat Facebook, faisant état de trip, d’yeux révulsés, de weed… J’ai vite compris qu’il s’agissait de drogue. En tant que papa, c’est un sujet qui me fait peur. J’ai donc continué à regarder ses messages… La moitié de sa classe était concernée par cette affaire de drogue. Ils se réunissent chez les parents absents, un copain leur fournissait.

Ce n’est pas tout. “Yann avait une petite amie, depuis quelques semaines. Rien de bien méchant, pensais-je… Jusqu’à ce que j’apprenne son dépucelage, puisqu’il faisait état d’une pilule du lendemain qu’il lui avait fournie.”

Même si le choc pour un papa d’apprendre les choses ainsi doit être réel, l’attitude de Yann reste ici tolérable. Si tous les ex (et actuels) fumeurs de pétards étaient des criminels, on compterait plus de prisons que de maisons communales. Et en prenant l’initiative de la pilule du lendemain, il a fait une bêtise en oubliant de se protéger, mais a surtout évité d’en commettre une bien pire.

Mais ce n’est pas fini… “Plus loin, des messages et une photo envoyée par cette fille, nue. Mon fils lui disait : Attends salope, tu vas voir ce que tu vas prendre… Et elle répondait en renchérissant : Attends que je te suce… Plus loin encore dans Messenger, une photo d’une copine de classe, encore nue. Avec le texte suivant : Bande bien mon chéri…”

Pour Marc, c’est l’horreur. “La drogue, le langage pornographique, l’échange de photos X entre jeunes de 15 ans ? J’étais à mille lieues d’imaginer ça. Je n’ai pas éduqué mon fils comme ça. J’avais l’impression qu’il n’était plus lui-même. Et je n’ai rien vu.”

Peu après, la proviseure de l’école de Waterloo où Yann est interné convoque Marc et son fils. Problèmes comportementaux en classe et résultats scolaires en berne. “Mais rien de tout ce qui se passait en ligne.” Marc tente d’interpeller la proviseure sur ces sujets, lui expliquant que de la drogue circule dans ses classes, qu’il veut les numéros des parents, pour les alerter. “Elle m’a demandé des preuves, et a refusé de me mettre en contact avec les autres parents. Elle m’a dit que tout ce qui se passait devant et hors de l’école n’était pas son affaire. J’étais devant le refus d’une institution de prendre le relais des parents dans l’éducation des enfants.”

Très heurté, Marc a longuement discuté, et pleuré, avec son fils. Il lui a interdit de revoir le fournisseur de shit, et l’a conscientisé aux dérives d’Internet. Aujourd’hui, le calme est revenu, “même si ça reste un ado de seize ans” .

Banalisation de la drogue et de la pornographie, double comportement, refuge et exutoire en ligne… Il y a dans cette affaire, qui n’est pas que celle de Marc, bien des problèmes de l’adolescence. Facebook n’est évidemment pas coupable des mésaventures de Yann et ses copains, mais, selon Marc, il a “exacerbé” leurs pulsions et leurs dérives, en les rendant “faciles et exposables” .

Marc sait qu’il a violé l’intimité de son fils. Il ne le regrette pas. “Si les enfants ont droit à leur vie privée, les parents ont l’obligation de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour leur fixer des règles et les remettre dans le droit chemin.”

Il appelle “à un débat sur la question” , dans les écoles, entre parents et enfants, même dans les instances qui nous gouvernent. Et invite tous les parents à chercher à savoir quel usage leurs enfants font de Facebook. Même si, “en l’état, Facebook est incontrôlable pour un parent. Les jeunes recréent des profils avec un faux nom en 30 secondes, pour éviter les parents. Et si vous instaurez un contrôle parental, ils le contournent avec leurs smartphones… Facebook, c’est la démission parentale. Et c’est dangereux !”



© La Dernière Heure 2013

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