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Dix ans après Lehman Brothers, la dette des ménages américains explose

Marcos Brindicci/REUTERS

INFOGRAPHIES - L'endettement des ménages outre-Atlantique dépasse les 13.000 milliards de dollars et ne cesse d'enfler, porté par une économie vigoureuse. Mais une décennie après la crise des subprimes, certains observateurs s'en inquiètent.

Il y a dix ans éclatait la bulle des crédits immobiliers «subprime», avec pour point culminant la faillite de la banque new-yorkaise Lehman Brothers, précipitant l'économie mondiale dans l'une des pires crises financières de son histoire. Depuis, l'appétit des ménages américains pour le crédit n'a pas diminué, bien au contraire. D'après un récent rapport de la Fed de New York, la dette totale des ménages outre-Atlantique a augmenté de 82 milliards de dollars au deuxième trimestre pour atteindre 13.290 milliards. Un niveau qui se situe au-dessus du précédent sommet de 12.680 milliards de dollars enregistré…au troisième trimestre 2008. Cette situation, qui semble logique au regard du mode de consommation américain et de la vigueur de l'économie outre-Atlantique, inquiète toutefois certains observateurs qui voient se former des bulles susceptibles d'exploser. Explications.

• La dette immobilière

L'immobilier avait été le point de départ de la crise de 2008. L'effondrement des prix dans ce secteur, couplé à une remontée des taux directeurs, avait poussé les ménages fragiles au défaut sur leur crédit hypothécaire. La dévalorisation des actifs adossés à ces prêts immobiliers à risque avait ensuite plombé les comptes des banques, précipitant la plupart des économies mondiales dans une crise profonde. Aujourd'hui, la dette immobilière des ménages américains est plus élevée que jamais, à 9000 milliards de dollars. Mais le danger semble écarté, selon la Fed. Le taux de défaillance des prêts hypothécaires n'atteint plus que 1,1%. «Le marché immobilier s'est assaini depuis la crise de 2008. Les banques sont plus regardantes», explique au Figaro Vincent Juvyns, stratégiste chez JP Morgan AM.

• La dette automobile

C'est l'un des postes d'endettement qui inquiète le plus les analystes. Les encours totaux de ces prêts aux États-Unis s'élèvent à 1240 milliards de dollars. Et ils sont en progression constante depuis six ans, constate la Fed. Sur le seul deuxième trimestre, ils ont augmenté de 9 milliards de dollars. «Depuis la crise, il y a eu différents plans pour soutenir le secteur. On a sans doute un peu forcé l'achat, sans être très regardant sur le profil des emprunteurs», note Vincent Juvyns. Des prêts automobiles ont ainsi été octroyés à des ménages peu solvables. Ils portent d'ailleurs un nom: les «subprime auto loans»... Dans une note alarmiste publiée l'an dernier, la Fed constatait que «les prêts subprime sont accordés de façon disproportionnée par les sociétés de financement automobile, et leur part a doublé depuis 2011». L'encours de cette dette à risque s'établit maintenant à environ 300 milliards de dollars, soit environ 25% des encours totaux des prêts automobiles. La Fed chiffre à plus de 23 millions le nombre de consommateurs détenant ces emprunts à risque.

Plus inquiétant encore: ces ménages ont de plus en plus de mal à rembourser leur dette. «Depuis 2011, le taux global de défaillance des prêts consentis par les sociétés de financement automobile s'est considérablement détérioré», déplore la Réserve fédérale. Or, comme pour l'immobilier en 2008, ces prêts à risque sont titrisés et redistribués aux investisseurs à travers divers instruments financiers. Ce qui fait craindre le pire à de nombreux observateurs...«Il s'agit d'un domaine d'endettement des ménages que nous surveillons depuis un certain temps déjà, et que nous continuerons de surveiller», prévient la Fed. «Le danger existe et il est connu des investisseurs. C'est un risque assumé», concède-t-on chez JP Morgan.

• La dette étudiante

Emprunter pour étudier constitue la norme pour les Américains. Mais à 1410 milliards de dollars, la dette qu'ils ont contractée à ce jour atteint des sommets de plus en plus inquiétants. Son niveau ne cesse de grimper, tiré vers le haut par des frais d'inscriptions en augmentation. Aujourd'hui, les jeunes actifs américains débutent leur vie avec un crédit d'environ 30.000 dollars à rembourser. Un fardeau dont ils peinent souvent à se débarrasser. Outre-Atlantique, certains retraités n'ont même pas encore fini de rembourser leur prêt étudiant ! La pression est telle que, selon le think-tank, Urban Institute, plus d'un million de détenteurs d'un prêt étudiant font défaut chaque année. Et d'ici 2023, près de 40% de ces emprunteurs seront en défaut de paiement. En mars dernier, Jerôme Powell, patron de la Fed, affirmait que la multiplication de ces défauts pouvait à terme freiner l'économie américaine. Mais pas de quoi déclencher une crise systémique pour autant, assure JP Morgan. «La dette étudiante représente seulement 10% du volume de crédit des ménages. Ce n'est pas assez fort pour déclencher une crise comme en 2008. Mais on peut quand même s'alarmer de sa dimension. Cela ajoute du tourment à une génération déjà en difficulté. Des mesures doivent être prises pour rendre cette dette soutenable», affirme Vincent Juvyns.

• La dette des cartes de crédit

Les Américains restent très attachés à leur carte de crédit. L'encours global des dettes qui y sont liées atteint 829 milliards de dollars, un chiffre en progression de 14 milliards sur le seul deuxième trimestre de 2018. Selon une récente étude du comparateur CardHub, les ménages détenteurs de ce type de carte sont en moyenne endettés à hauteur de 8332 dollars. Un niveau jugé «insoutenable». Le taux de défaut sur cette dette est d'ailleurs en augmentation. «Il y a une détérioration sur ce front, constate Vincent Juvyns, mais il faudrait une récession économique avec un taux de chômage en hausse et des revenus en baisse pour que cela devienne inquiétant. Or, aujourd'hui, c'est l'inverse».

Pas de panique mais...

D'après Vincent Juvyns, l'endettement global des ménages américains ne représenterait à ce stade pas de danger immédiat. «La charge de la dette a baissé avec les taux bas. Et le patrimoine des ménages américains est à un niveau historique. Leur capacité de remboursement est élevée. Dans les prochains mois, nous avons du mal à imaginer qu'il y aura une récession aux États-Unis qui serait susceptible d'inverser cette situation», explique-t-il. Mais il l'admet: «en cas de retournement de cycle, il faudra pouvoir se retourner. Et il faut bien se rendre compte que la dette ne peut pas croître ad vitam aeternam».

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5 commentaires
  • Le Marin

    le

    Je lis cet article et ses prévisions de catastrophe financière prochaine avec crainte, mais que peut faire un individu isolé, qui n'est pas riche. Et comment préserver les petites économies placées sur le Livret A, et un PEL ?

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