Plastique, le prisonnier des Sargasses

5 000 milliards de morceaux de plastique flottent sur les océans. C'est le constat de L’ONG Expédition 7ème continent. L'association est revenu avec un documentaire de son expédition dans la mer des Sargasses, sur l’une des cinq plaques de déchets connues dans le monde. Le documentaire a été présenté mercredi 23 septembre. Le but de l’expédition est d’analyser les morceaux plastiques récoltés et d’alerter l’opinion publique.

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Capture d'écran du documentaire Expédition 7ème continent 2015

Une mer bleue légèrement agitée, jusqu’ici tout va bien. Puis un bout de caisse en plastique jaune apparait à l’écran. Il tangue au gré des vagues. Nous sommes dans l’océan Atlantique Nord au large des Etats-Unis, plus précisément vers la mer des Sargasses, dans le gyre, sorte de vortex océanique qui aspire les détritus et les emprisonne dans sa spirale. Un tourbillon de déchets s’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres.

Les images du documentaire de Vince Sato sur la dernière expédition de l’association Expédition 7ème continent en mai 2015, sont moins spectaculaires qu’on ne l’imagine. Le catamaran vert et blanc de l’ONG ne flotte pas parmi les bouteilles et les sacs plastiques. Par temps agités, les vagues enfouissent les déchets à 5 mètres de profondeurs. Et la plupart des morceaux de plastiques sont invisibles à l’œil nu.

200 000 micro-déchets par kilomètre carré

Plus tard, le film montre le navigateur Patrick Deixonne, chef d’expédition, sourcils froncés en train de séparer les micro-particules de plastiques des algues et du plancton, à l’aide d’une pince et d’une lampe frontale. Il agite son flacon à moitié rempli de fils de nylon et de tous petits bouts de plastique. "Voilà, c’est ça la plastification des océans. (…) C’est vrai que quand on montre ça, ce n’est pas parlant. Mais ça, c’est ce que l’on trouve sur 20 centimètre de surface, et notre terrain de jeu fait 3 fois la France." L’ONG estime qu’il y a environ 200 000 morceaux de micro-déchet par kilomètre carré dans le gyre de l'Atlantique Nord.

Patrick Deixonne, navigateur             Capture d'écran du documentaire Expédition 7ème continent 2015

"80% des déchets viennent de la terre", explique Patrick Deixonne. "Ils suivent les courants naturels pour venir s’amasser à l’intérieur du gyre." 5 000 milliards de morceaux de plastiques flottent sur les cinq plaques de déchets similaires à celle de la mer des Sargasses dans le monde. La première, la "grande poubelle du Pacifique", a été découverte par le chercheur américain Charles Moore et son équipe, en 1997.

Depuis des ONG, comme l’américaine 5Gyres ou la française 7ème continent ont pris le relais et militent contre la plastification de l’océan. Leurs expéditions ont pour but de cartographier la pollution des mers, d’étudier les déchets et surtout de sensibiliser l’opinion publique.

"Les industriels ont la solution, pourquoi les ignorer?"

L’association organise aussi des journées de nettoyage en France, qu'elle espère voir se généraliser à l'échelle internationale. Là est tout l’enjeu : éviter de polluer la terre pour ne pas contaminer l’océan. "On produit 300 millions de tonnes de plastique, et on en recycle que 10%", répète, Patrick Deixonne.

Ce n’est pas pour rien que l’association a pour partenaire Suez Environnement qui finance en partie ses expéditions. "Ce sont les industriels qui ont la solution, alors pourquoi les ignorer ?", se demande l'explorateur.

Suez planche sur des solutions pour populariser le recyclage et revaloriser le plastique dans la chaîne de production. "Nous avons installé dans plusieurs villes de France, des conteneurs RECO qui reconnaissent les déchets, et distribuent des coupons à ceux qui les déposent", affirme Cyril Fraissinet, le directeur général adjoint des activités recyclage et valorisation de Suez. "L’idée est d’associer le recyclage à quelque chose de positif pour inciter les gens à recycler", explique t-il. L’industriel souhaite multiplier les conteneurs de ce type partout en France. Un moyen de limiter l’agrandissement du septième continent.

 

Trois questions à Alexandra Ter Halle, chimiste et chercheuse au CNRS et membre de l’ONG Expédition 7ème continent

Quel type de plastiques trouve-t-on dans le gyre ?
D’après nos collectes, il s’agit à 80% de polyéthylène et de polypropylène. Ce sont les plastiques les plus couramment utilisés dans l’industrie de l’emballage. La taille des déchets est variable. Les macrodéchets mesurent plus de 30 milimètres, on en a vu 90 en un mois. Les microplastiques de quelques milimètres et les particules micrométriques et nanométriques, issues de fragmentations successives, sont les plus nombreux. En une seule journée, nous avons relevé 821 milligrammes de plastiques, divisés en 274 morceaux et 32 fils. Pour les collecter, il faut des filets Manta de 300 mirons, et de 25 mirons pour les plus petits.

Les plastiques rejettent-ils des polluants ?
Les plastiques contiennent des polluants organiques persistants, mais aussi des métaux lourds. La question est de savoir s’il y a un transfert de ces éléments dans l’eau et dans les organismes vivants. Certains des éléments ont la capacité de se bioaccumuler. C’est-à-dire que si les espèces présentes dans le gyre les ingèrent, elles contaminent l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Quels autres risques représentent-ils pour la planète ?
La « plastisphère », c’est-à-dire les microorganismes qui se développent sur les morceaux de plastiques, peut représenter un risque. Certains de ces microorganismes sont des bactéries, potentiellement pathogènes. C’est que nous cherchons à savoir. Le plastique transporte aussi des espèces envahissantes (espèces qui se développent dans un milieu géographique dont elles ne sont pas originaires et qui perturbent la diversité biologique, Ndlr) comme certains types de méduses ou de puces de mer.

 

Marine Protais

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