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EPR d’Hinkley Point : l’Etat s’inquiète d’une dérive financière

L’électricien, confirmant une information du « Monde », a annoncé que le coût de la future centrale nucléaire britannique s’alourdissait de 1,8 milliard d’euros. La construction risque aussi de prendre plusieurs mois de retard.

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Publié le 03 juillet 2017 à 15h49, modifié le 04 juillet 2017 à 09h07

Temps de Lecture 4 min.

Le chantier de la centrale nucléaire d’Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, en septembre 2016.

A l’issue d’une « revue complète » du projet menée pendant plusieurs mois, EDF a annoncé, lundi 3 juillet, une révision à la hausse (+ 1,845 milliard d’euros) du coût des deux réacteurs EPR que le groupe construit à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, confirmant une information du Monde (daté 25-26 juin). Cela en portera le coût à 22,4 milliards, soit une hausse de 8 % par rapport au devis initial, a indiqué le directeur général d’EDF Energy, filiale britannique du groupe français. Vincent de Rivaz ne l’a pas ­précisé, mais le surcoût de ce premier dérapage sera partagé au prorata entre EDF, qui finance 66,5 % du projet, et son partenaire China General Nuclear Power Corporation (CGN), qui en finance un tiers, indique la direction de l’électricien français.

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Cette situation inquiète le ministre de l’économie. Bruno Le Maire a aussitôt demandé au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, de lui soumettre d’ici fin juillet un « plan d’action rigoureux » pour s’assurer de la maîtrise du chantier. Ce plan devra permettre de « conforter le calendrier » et de « réduire autant que possible l’impact financier de cette réévaluation et d’assurer une maîtrise rigoureuse des risques du projet ». Il veut aussi que « les causes précises de cette réévaluation » ainsi que « les facteurs de risques et le contenu de la revue du projet » soient « analysés » par le conseil d’administration du groupe.

Cette révision s’explique, selon EDF, par les modifications en cours du design de l’EPR (contrôle commande, ventilation…) réclamées par l’autorité de sûreté nucléaire britannique et la révision « du volume et du séquencement des travaux sur site », qui ont débuté en mars. Il l’impute également à « la mise en place progressive des contrats fournisseurs », qui sont revus, puisque la décision finale d’investissement n’a été votée qu’en septembre 2016, avec près d’un an de retard sur le calendrier initial.

Un « risque » de dérapage de neuf et quinze mois

EDF a déjà signé d’importants accords avec Bouygues, qui assure le génie civil, et de grands fournisseurs d’équipementiers comme General Electric, qui a racheté les turbines d’Alstom pour centrales nucléaires, et Areva. En raison du sous-dimensionnement de l’usine Creusot Forge d’Areva, les cuves des EPR d’Hinkley Point seront forgées au Japon. Elles ne sont pas concernées par les défauts détectés sur celle de Flamanville (Manche), a indiqué M. de Rivaz.

A ce surcoût s’ajoute un premier report – attendu – de la date de démarrage des réacteurs, même si M. de Rivaz souligne que les équipes doivent « rester mobilisées » pour tenir l’objectif initial d’une mise en service fin 2025. En fait, EDF évoque un « risque » de dérapage de quinze mois pour le premier EPR et de neuf mois pour le second. Cela entraînerait un coût de 861 millions d’euros, qui s’ajouteraient au 1,845 milliard. Ces délais supplémentaires sont inévitables, selon plusieurs experts, dans la mesure où les EPR britanniques sont différents des autres, notamment de celui de Flamanville, et que l’industrie britannique n’a plus construit de réacteur depuis vingt ans.

EDF reconnaît que le taux de rentabilité attendu du projet baissera de 9,2 % à 8,5 % et même à 8,2 %, ce qui reste très confortable. En revanche, M. de Rivaz affirme que ce dérapage n’aura « aucune conséquence » sur le contrat signé en 2013 entre le gouvernement britannique et la société exploitant la centrale. Il garantit à EDF et à CGN une rémunération de 92,50 livres (105 euros) par mégawattheure (MWh) durant trente-cinq ans. Le dirigeant assure que ces quinze mois sont « très en deçà » du retard au-delà duquel Londres est en droit de réduire ce prix garanti.

Projet à très haut risque

« Le chantier avance conformément au planning », affirme encore le patron d’EDF Energy. Et le début de la construction en tant que telle, marqué par le premier béton du bâtiment réacteur, est toujours prévu « mi-2019 ». Avec un bémol de taille : il dépend de la finalisation du design définitif de réacteur, prévue fin 2018, « dont le calendrier est tendu ». Pour l’heure, le chantier débuté en mars consiste surtout en des travaux de terrassement et de raccordements routiers.

En France, la majorité des syndicats d’EDF avaient réclamé un report du projet, estimant qu’il met en péril l’avenir même de l’entreprise. Hinkley Point reste un projet à très haut risque pour EDF. Le groupe est lourdement endetté (37,4 milliards d’euros), fragilisé par une forte baisse des prix de gros de l’électricité ces dernières années et une consommation atone. Il a aussi engagé de coûteuses rénovation et sécurisation de son parc français de 58 réacteurs, alors même qu’il a pris l’engagement d’investir dans les énergies renouvelables et les services d’efficacité énergétique.

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C’est le gouvernement de Tony Blair qui avait décidé, en 2006, de relancer le programme nucléaire britannique face à un parc de centrales qui arrivera en fin de vie dans les années 2020. Après dix ans de préparation et de soubresauts, ces deux EPR censés assurer à eux seuls 7 % de l’électricité des Britanniques ne font toujours pas l’unanimité outre-Manche. Fin juin, le National Audit Office, équivalent de la Cour des comptes, a jugé que le prix garanti de 105 euros par MWh – très au-dessus du prix de marché de 35-37 euros – pourrait alourdir la facture des consommateurs de 34 milliards d’euros sur trente-cinq ans.

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