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Billet de blog 19 mars 2013

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L'Allemagne réduit ses rejets de CO2 tout en fermant son parc nucléaire

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 billet initialement nommé "La désinformation nucléaire  de Delphine Batho ".

Le 12 Mars dernier, la ministre de l'écologie Delphine Batho a été reçue et interrogée par France Info, à l'occasion du deuxième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

   Au cours de cet entretien, la ministre s'est permis des affirmations mensongères, affirmant notamment que l'arrêt de huit premiers réacteurs nucléaires en Allemagne avait provoqué une hausse de la consommation de charbon.

 Les termes exacts employés par Delphine Batho sont les suivants:

"Il y a aujourd'hui en Allemagne, du fait de cette décision, vous le savez, une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. On assiste même aujourd'hui, pire que ça, en Europe, au retour du charbon"

    Comme ceci est faux, Gilles Halais, rédacteur chef adjoint à la rédaction web de France Info, a publié en ligne, ici., un article qui démonte les différents mensonges de la ministre:

      1) "Le nucléaire, énergie décarbonée", c'est FAUX: des études sérieuses montrent que le nucléaire produit en moyenne 66 g de CO2 par kWh produit. (par comparaison, l'éolien en émet 9, le photovoltaïque 32, le gaz 440 et le charbon 1000);

     2)  La hausse des émissions de gaz à effet de serre par l'Allemagne du fait de sa sortie du nucléaire, c'est FAUX également (voir l'article, ou ci-dessous).

 L'article de France Info démontant le mensonge de la ministre a provoqué une réaction de son cabinet, qui insiste et affirme ainsi:

   "Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté en Allemagne en 2012 de 1,6 %. Selon l'agence fédérale allemande de l'environnement (UBA), plus de charbon et de houille ont été brûlés pour produire de l'électricité et le gaz a été davantage utilisé pour le chauffage des habitations".

   Il s'agit là d'un splendide condensé de mensonges par omission et par confusion délibérée:

   En effet:

Oui, il y a eu augmentation des rejets de CO2 en 2012... après une baisse plus importante en 2011, l'année de la fermeture des 8 réacteurs!

Pourquoi cette hausse en 2012? En fait, le texte donne la réponse (mais de manière délibérément confuse): C'est parce que l'hiver 2012 a été plus rigoureux que le 2011, ce qui a provoqué une augmentation de la consommation de gaz par les ménages... pour le chauffage, pas pour la production d'électricité! rien à voir avec le nucléaire, donc!

    Le communiqué de la ministre s'appuie sur une donnée isolée, sortie de son contexte: l'évolution des émissions de gaz à effet de serre (GES) par l'Allemagne entre 2011 et 2012.

   L'intention trompeuse du cabinet devient évidente lorsqu'on resitue cette donnée dans son contexte, à savoir  l'évolution de ces rejets sur plusieurs années.

    On peut, en cherchant un peu, trouver le graphique suivant, qui donne cette évolution sur les 20 dernières années, donc de 1990 à 2010:

    (source)

On constate que les émissions de CO2 en Allemagne sont en baisse régulière depuis plus de 20 ans... ceci est du à une politique sur le long terme d'isolation des bâtiments et de recherche de la meilleure performance énergétique dans les industries, principalement.

 Les évolutions 2010-2011 et 2011-2012 n'échappent pas à la règle, malgré la fermeture de 8 réacteurs nucléaires:

On peut ainsi lire dans cet article(en allemand) les évolutions suvantes pour les émissions de CO2:

     2010 -2011: -2,9%

    2011-2012: +1,5%.

Le bilan 2010-2012, correspondant à l'arrêt des 8 premiers réacteurs nucléaires allemands, est donc une BAISSE des émissions de CO2... et pas la hausse affirmée par Delphine Batho!

Poursuivons l'analyse de la désinformation distillée par son cabinet:

    Plus de charbon et de houille ont été brûlés pour produire de l'électricité

   Pour des chiffres exacts, voir l'article de blog écrit à ce sujet. Le charbon a augmenté de 6 TWh en 2012... après une baisse de 5 en 2011, l'évolution 2010-2012 est donc insignifiante (on passe de 117 à 118 TWh produits);

    Par contre, la lignite a augmenté les deux années, de manière significative, traduisant une évolution de fond réelle. On passe de 146 à 158 TWh... augmentation de 12 TWh... pour remplacer le nucléaire?

    En fait, pas du tout: Le nucléaire a vu sa production baisser de 42 TWh en deux ans, (plus que) compensés par:

           1) une hausse de 32 TWh de la production ENR;

          2) Une diminution de 16 TWh de la consommation du pays.

   Là où le communiqué de la ministre est parfaitement -délibérément- trompeur, c'est qu'il "oublie" de dire que, pour ce qui concerne la production d'électricité,  la hausse de la consommation de lignite allemande s'accompagne... d'une BAISSE encore plus forte de la consommation de gaz russe!  -17 TWh en deux ans, soit une baisse (du gaz) plus élevée que la hausse de la lignite!

     Cette donnée est très importante, puisqu'elle montre que la hausse de la lignite n'a pour cause que le choix allemand d'acheter moins de gaz russe, "remplacé", donc, par de la lignite produite dans le pays, alors que le gaz est importé.

   Le ministère de Delphine Batho n'ignore évidemment pas cette donnée importante... mais comme elle ruine complètement la démonstration "hausse du charbon à cause de la baisse du nucléaire", il  préfère ne pas l'évoquer... et choisit même, avec une intention évidente de la camoufler,  de faire diversion en évoquant une hausse de la consommation de gaz... pour les besoins de chauffage, ce qui est un sujet largement déconnecté de celui de la production d'électricité!

Delphine Batho et ses conseillers n'ignorent également aucunement que la hausse des rejets de CO2 en 2012 est tout à fait ponctuelle... et n'a rien ni d'original, ni ne traduit une tendance de fond.

  De fait, on trouve dans le graphe ci-dessus d'autres hausses ponctuelles de ces rejets en 1996, 2001, 2010...  qui ne remettent aucunement en cause la tendance de fond à la décroissance de ces rejets.

     La hausse 2011-2012 des rejets est en réalité due à trois choses:

              1) Elle n'est qu'un "petit retour en arrière" après une baisse exceptionnellement forte l'année d'avant :-2,9%, l'année de la fermeture des 8 réacteurs! Il s'agissait d'une baisse beaucoup plus forte que la moyenne, qui est de -1,2% par an. Si on additionne la baisse "anormalement élevée de 2010-2011 à la hausse "corrective" de 2011-2012, on obtient un bilan2010-2012... qui est une baisse des émissions de 1,4% des rejets, soit -0,7% par an... baisse plus modeste que les années précédentes, mais baisse quand même! De plus, sur 2010-2012, l'Allemagne augmente ses exportations d'électricité; donc une partie des émissions faites l'est "pour le compte d'autrui"/ si l'Allemagne n'avait pas exporté davantage, la baisse des rejets aurait été plus forte encore!

             2) Sa principale raison est une fluctuation d'une année sur l'autre des conditions météo;

             3) Une raison moins importante est effectivement l'utilisation plus importante de lignite, qui émet plus de CO2 que le gaz pour une même quantité d'électricité produite.

           Mais comme la lignite remplace le gaz, et comme cette hausse est juste "un effet d'optique" et aucunement une tendance de fond, il est profondément mensonger de suggérer que cette hausse, encore une fois parfaitement ponctuelle, des rejets de CO2, est due à l'arrêt du nucléaire!

    Pour l'évolution 2012-2013, Delphine Batho a d'ailleurs bien du souci à se faire: en 2013, la production ENR allemande va encore augmenter, de nouvelles économies vont être mises en place, la consommation allemande va continuer de baisser... du coup, il n'y a que deux solutions possibles: soit les exportations d'électricité allemande vont encore augmenter (après un niveau record en 2012 avec 22TWh exportés, la production annuelle de trois réacteurs), soit... la production fossile va diminuer... et les rejets de CO2 aussi!

    Au final, après bien d'autres personnalités ayant menti aux français au sujet de l'industrie nucléaire, Delphine Batho et son cabinet ont bien mérité la médaille d'or de la désinformation nucléaire! médaille dont furent titulaires, en leur temps, des "grands noms" de supporters inconditionnels de l'industrie nucléaire, comme le professeur Pierre Pellerin, ou encore l'ancien ministre de l'industrie Eric Besson... par exemple!

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