VIH-SIDA : « l’oublié du Nobel » n’a pas dit son dernier mot

16 novembre 2009

C’est l’histoire d’un homme qui nage souvent à contre-courant mais qui « croit en sa bonne étoile ».

Surnommé l’oublié du Nobel 2008, le Pr Jean-Claude Chermann est, avec une poignée d’autres scientifiques français, l’homme qui a isolé le virus du SIDA pour la première fois. C’était au printemps 1983. Dans un ouvrage passionnant, il revient évidemment sur cette découverte mais aussi sur ses travaux actuels qui l’espère-t-il, le conduiront à la mise au point d’un vaccin.

Engagé dans cette quête du Graal, le Pr Chermann ne croit pas aux recherches actuelles qui privilégient « l’approche classique », la « voie vaccinale pasteurienne ». A savoir, réaliser un vaccin à partir d’un antigène (issu de l’enveloppe du virus) que l’on injecterait dans l’organisme pour que ce dernier développe ses propres défenses.

A ses yeux, « cette voie est vouée à l’échec » car elle ne tient pas compte de la variabilité du virus. Ce dernier « évolue et se présente différemment chaque fois. Donc les anticorps ne le reconnaissent pas », explique-t-il.

Fidèle à sa réputation de chercheur atypique, il travaille depuis 1988 sur une autre voie. Ses recherches se concentrent sur les non-progresseurs, autrement dit, ces personnes infectées par le VIH mais qui ne développent pas la maladie. Depuis son petit laboratoire situé dans la banlieue de Marseille, il a découvert que tous ces individus partageaient un point commun, un petit bout de cellule qui ne varie pas : le « badge ». Comme il ne cesse de le répéter, « le badge, c’est le talon d’Achille du virus. Si on le bloque, on bloque le virus ». Prometteur, non ?

Seulement voilà, pour l’heure, son travail laisse ses confrères chercheurs dubitatifs… A l’image du Pr Jean-François Delfraissy, Directeur de l’Agence nationale de Recherche sur le SIDA (ANRS) et que nous avons interrogé sur le sujet. « Je ne peux pas avoir d’avis sur ses travaux car il n’y a jamais eu de présentation à l’occasion notamment d’un congrès. Je ne demande que ça ». Ambiance…

Chasseur de virus devenu chasseur de vaccins, Jean-Claude Chermann n’a en vérité jamais accepté les règles du système. « C’est ainsi qu’il est devenu, 25 ans après sa découverte, ‘l’oublié du Nobel’ », souligne le journaliste Olivier Galzi, qui l’interroge tout au long de cet ouvrage-entretien. Le 5 octobre dernier, le Prix Nobel de Médecine a en effet récompensé Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi. « Pour notre découverte », précise Chermann… « Cela faisait 25 ans que chaque année, le premier lundi d’octobre, je guettais l’annonce du Nobel… »

  • Source : Tout le monde doit connaître cette histoire, du Pr Jean-Claude Chermann, avec Olivier Galzi – Editions Stock, 286 pages, 19,50 euros - Interview Jean-François Delfraissy, octobre 2009

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