Comment l'espèce humaine est-elle apparue sur terre ? On a du mal à croire qu'en plein XXIe siècle cette question fait l'objet de violents débats. Pour ceux qui lisent la littérature scientifique, les êtres vivants, dont les hommes, se sont installés peu à peu, à la suite de processus de transformations complexes, à partir d'ancêtres communs. C'est ce qu'on appelle l'évolution, dont les experts accumulent sans cesse les preuves depuis les textes fondateurs de Charles Darwin. Faux, affirment les créationnistes, chrétiens, musulmans et juifs. Pour eux, Dieu a créé et mis en place toutes les espèces. Avant le siècle des Lumières, tout le monde était créationniste. Ce qui paraît étonnant, c'est qu'ils soient aujourd'hui si nombreux et que leur influence ne cesse de croître.

Publicité

Le phénomène devient tellement inquiétant que Cédric Grimoult, agrégé d'histoire et spécialiste de l'histoire des sciences, vient d'écrire son quatrième livre sur ce thème : Créationnismes, mirages et contrevérités. Il y décrit leurs brochures et leurs prêches, leurs radios et musées, leurs sites et leurs blogs. Ils peuvent publier des livres luxueux distribués à des milliers d'enseignants et de bibliothèques, comme vient de le faire le millionnaire turc, Harun Yahya. Ces militants, qu'il ne faut pas confondre avec des nostalgiques de l'Ancien Régime, disposent d'énormes moyens financiers pour convaincre les décideurs de tous niveaux. Ils commencent par accuser les enseignements scolaires et la dégradation des moeurs, avec un objectif en tête, l'installation de théocraties. Derrière la bannière pseudo-scientifique, prouve Grimoult, il y a un projet politique.

L'auteur montre donc les réseaux, les stratégies. Il démonte le "dessein intelligent", version soft de l'idéologie créationniste, destiné à séduire les élites. Si elles réussissent, c'est que ces thèses moyenâgeuses flattent l'orgueil humain, placé au coeur de la nature, rassurent ceux qui se défient des hommes de science. Grimoult en appelle aux politiques. Car laïcité et démocratie sont en cause.

Publicité