Communiqué du 15 juin 2006

 

Quelle politique énergétique pour la France ?

 

Par Nicolas DUPONT-AIGNAN - Conférence de presse, mercredi 13 juin,
Candidat à la présidence de la République - Député de l’Essonne -

Président de Debout la République.

 

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« Parce que c’est du long terme, il faut s’y mettre tout de suite » (Foch)

 

I – LE CONSTAT : LE FIASCO EN FRANCE DE LA LIBÉRALISATION DU MARCHE DE L’ÉNERGIE EUROPÉEN

A) Grâce au Service Public de l’électricité et du gaz, la France :

- a pu bénéficier d’une fourniture, sûre, égale et à un tarif abordable de l’électricité et du gaz sur l’ensemble du territoire français,

- a pu renforcer grâce à un effort national son indépendance énergétique - 80% de la production électrique sont d’origine nucléaire.

B) Au sommet de Barcelone, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle de 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin ont accepté en catimini la libéralisation du marché de l’énergie en France :

- La loi du 29 août 2004 a ouvert le capital d’EDF mais a instauré des garde-fous :

- maintien de la propriété publique (plancher de 70%),

- maintien d’exigences de service public,

- investissement dans l’EPR.

- C’est pourquoi, tout en pointant du doigt les dangers de cette évolution, je me suis abstenu sur le projet de loi .

C) La libéralisation des tarifs pour les professionnels et l’ouverture du capital d’EDF/GDF ont des effets désastreux :

1 Les tarifs ont explosé :

- Les tarifs pratiqués par EDF sur le marché libre ont bondi de 75% entre 2001 et 2006.

- EDF, ayant abandonné son ancien « Tarif »*, aligne ses prix libres sur le Powernex et s’approprie ainsi une rente de situation dont bénéficie son premier actionnaire, l’État, au détriment des entreprises et des consommateurs français.

- La Commission de Bruxelles interdit toute vente d’électricité sur le marché libre sous le tarif Powernex, au nom de la lutte contre le dumping, privant ainsi la France d’un avantage comparatif parfaitement loyal !

- Pendant ce temps, GDF tente d’imposer des augmentations de tarif très importantes, même si le gouvernement a pu les contenir. Pour l’heure seulement.

- La France, dans un marché européen en pénurie, abandonne l’un des avantages comparatifs qui fondent son attractivité et importe les prix de ses partenaires !

2 La qualité du service public en pâtit :

- Les prestations d’EDF et GDF se sont renchéries ou sont dégradées par rapport à la situation antérieure : coupures immédiates de courant même en cas d’erreur de l’entreprise sur les délais de paiement, difficulté à joindre des conseillers, renchérissement du coût de déplacement d’un compteur gaz dans un coffret (+23,53%), de branchement aérien (+15%), de contrôle des appareils de comptage et le remplacement d’appareils (+35%).

- Menace sur le partage des coûts d’entretien entre entreprises et collectivités locales.

- Destruction des synergies existantes dans les services communs de GDF et EDF, alors que pendant ce temps l’évolution de la rémunération des salaires des dirigeants des deux entreprises a accompagné la flambée du cours des hydrocarbures !

3 Les intérêts privés, plutôt que l’intérêt national :

- la course aux dividendes au profit des actionnaires l’emporte sur la compétitivité et la qualité de vie de la France, ainsi que sur la préparation de l’avenir à long terme.

 

II – L’ ENJEU : PRÉSERVER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE

A) Dans un environnement mondial dégradé comme nous l’avions prévu en 2003, le secteur de l’énergie est plus que jamais stratégique.

- L’Europe est très dépendante (à l’exception de la Grande Bretagne, de la Norvège et de la France)

B) L’enjeu est donc :

- d’éviter la surconsommation d’énergie,

- de sécuriser les approvisionnements,

- de moderniser notre industrie électronucléaire,

- de développer les énergies renouvelables,

- d’offrir les tarifs les plus bas pour améliorer notre compétitivité et le pouvoir d’achat des Français.

C) Le gouvernement ne doit répondre qu’à une question et une seule : quel est le meilleur système pour atteindre ces objectifs ?

- Poursuivre la dérégulation / libéralisation / privatisation, au risque de propager l’explosion des tarifs à l’électricité vendue aux particuliers.

OU

- Reconnaître l’absurdité pour la France de la libéralisation de l’énergie et revenir sur les décisions prises au niveau de l’Union Européenne ces dernières années.

 

III – LE MAUVAIS CHOIX DU MAINTIEN DE LA FRANCE DANS LE MARCHE EUROPÉEN DE L’ÉNERGIE

A) Les particuliers dans la ligne de mire :

- La libéralisation du marché de l’énergie pour les particuliers, qui doit intervenir le 1er juillet 2007, devrait aboutir à terme à un renchérissement insupportable du prix de l’énergie : le blocage des prix expire en 2011 / 2012, aucune garantie quant à son renouvellement n’est prévue et cette mesure est de toute façon contraire à la conception de la concurrence libre et non faussée de l’Union Européenne - Commission, jurisprudence de la CJCE.

- Les Français risquent ainsi de cumuler des prix très élevés avec l’entretien et la gestion d’une industrie électronucléaire dont la raison d’être est précisément la modicité de l’électricité et la garantie de son abondance !

- Ce n’est pas le moment de rançonner les consommateurs et les entreprises en offrant des rentes de situation à des intérêts privés (ou pire encore à l’État, qui se créerait ainsi un impôt caché !), alors même que la croissance française et le revenu des ménages restent bas.

B) L’intérêt national bafoué :

- Il serait contreproductif de créer des géants – même tricolores – de l’énergie qui s’empresseraient de pressurer les particuliers, les entreprises et les collectivités territoriales, en contrepartie de services de moindre qualité.

- L’ouverture du capital, pour des raisons bassement budgétaires, risque d’être de plus en plus forte, permettant à des entreprises ou des fonds de pension étrangers de mettre la main sur un secteur national stratégique.

- L’intérêt de ces entreprises ou fonds de pension est peu compatible avec les investissements de long terme dont doivent s’acquitter EDF et GDF.

C) Les politiques doivent assumer leurs erreurs :

- La privatisation de GDF et sa fusion avec SUEZ constituent une supercherie :

    • c’est une rupture de l’engagement de l’État et du Parlement,

    • c’est mettre définitivement le doigt dans l’engrenage d’une libéralisation dangereuse,

    • c’est une mesure qui décrédibilise la France en l’état de ses engagements européens en matière de libéralisation du marché de l’énergie.

- Droite et gauche doivent être capables de tirer la leçon de leurs propres erreurs au lieu de s’entêter dans le déni et la fuite en avant. Il n’est tout simplement pas possible de concilier service public de l’énergie à la française et :

    • développement international capitaliste d’EDF - ce que prétend la droite -,

    • respect des contraintes de Bruxelles - ce que prétend la gauche, en particulier Ségolène Royal.

Pour sortir de cette spirale infernale, qui ne valide aucune des promesses des avocats du tout-concurrence, la seule solution est de briser le tabou européen de la libéralisation du marché de l’énergie.

 

IV – L’AUTRE SOLUTION : UNE NOUVELLE RÉGULATION PUBLIQUE NATIONALE

A) L’électricité, une ressource à part :

- Il faut aujourd’hui reconnaître que l’électricité, de par sa nature, n’est pas un bien comme les autres (elle n’est pas stockable), mais une ressource d’intérêt général, dont la production et la distribution nécessitent l’intervention de la puissance publique, seule à même d’assumer dans le long terme les coûts et les risques inhérents.

B) Rétablir une vraie politique énergétique nationale :

- Maintenir EDF et GDF dans le domaine public tout en améliorant leur gestion.

- Procéder à la fusion EDF/GDF dans un nouveau champion national, « Énergie de France » pour renforcer notre qualité de vie, notre compétitivité et notre attractivité.

- Rétablir le monopole d’EDF au bénéfice de ce nouveau groupe, ainsi qu’un tarif bon marché pour tous - entreprises, particuliers, collectivités publiques.

- Développer une vraie politique d’économie d’énergie et de développement des énergies de demain.

C) Trouver une porte de sortie acceptable pour GDF et Suez

- Bloquer l’OPA sur Suez, au nom de la défense du secteur stratégique de la distribution d’eau.

- Laisser le gouvernement belge décider s’il préfère Suez ou Enel pour gérer Electrabel.

- Rétablir à terme un service public de la distribution d’eau avec de meilleures garanties de tarif pour les particuliers et les collectivités locales.

 


 * : Avant la libéralisation, le KWH vendu par EDF était facturé à son prix de revient auquel était ajouté le coût de revient d’un KWH supplémentaire, ce qui assurait à la fois la modicité du prix au consommateur et le financement indéfini de la production d’électricité.