Depuis quelques années, le secrétariat général et le présidence du CEPHES sont régulièrement consultés à propos des effets nocifs des infrasons ainsi que des moyens à mettre en uvre pour détecter et mesurer ces nuisances extrêmement insidieuses.
En 1994, Daniel DEPRIS, président du CEPHES, a publié une première brochure de 54 pages ayant trait à la problématique des infrasons. Actuellement épuisée, elle est en cours de réédition.
Cette brochure énumère les principaux effets biologiques que les infrasons peuvent générer lorsquils dépassent un certain niveau de puissance, généralement à partir de 90 décibels. Cela va des troubles diffus (nausées, céphalées, difficultés de concentration) jusquà des accidents très graves (comme des hémorragies internes provoquées par la mise en vibration des organes) lorsque le niveau dépasse les 125 dB. Dans la seconde moitié des années 60, une équipe française du CNRS de Marseille avait mis ces effets en évidence en remarquant que la fréquence IS la plus nocive pour lêtre humain était de lordre de 7 Hz.
Aujourdhui, de plus en plus de dispositifs techniques peuvent générer des infrasons puissants dans lenvironnement. Il sagit notamment des systèmes de climatisation qui pulsent de lair dans des canalisations de grande longueur (effet de tuyau dorgue) ainsi que de toutes sortes de moteurs à régime très lent (comme les diesels de marine, les moteurs de camion tournant au petit ralenti et les turboalternateurs des centrales électriques). Les moteurs davion à réaction génèrent, eux aussi, des niveaux élevés dinfrasons. Dans lindustrie, des installations telles que celles des laminoirs produisent des IS intenses qui sont surtout transmis par le sol. Les aérogénérateurs (éoliennes) dotés de grandes pales génèrent aussi des infrasons qui peuvent être puissants (*).
Notons enfin, quil existe des infrasons naturels de type tellurique (vibrations de la lithosphère) et des infrasons atmosphérique (vents puissants passant entre des bâtiments élevés et produisant un « effet de sifflet).
(*) Outre les effets biologiques quils engendrent, les IS peuvent être à lorigine de problèmes techniques importants et même daccidents graves. Lorsquils se propagent à grande vitesse dans les matériaux solides, ils peuvent provoquer des dommages importants dans toutes sortes de dispositifs, notamment en endommageant des connexions, en provoquant des ruptures de soudures ou en générant des fissures. Il y a quelques années, la Sté Airbus Industries sest ainsi trouvée confrontée à un IS de 2 Hz sur certains appareils. Les autres constructeurs davions rencontrent régulièrement les mêmes problèmes. Dans les avions de ligne, les IS peuvent avoir des incidences désastreuses sur le matériel mais ils peuvent aussi affecter le personnel navigant (en réduisant les facultés dattention et de concentration des pilotes) et mêmes les passagers.
Lun des départements du CEA, chargé de la sécurité nucléaire, sest par ailleurs adressé au CEPHES à la suite de problèmes dIS rencontrés sur les centrales dEDF.
Lutilisation militaire des a été interdite par un moratoire international signé en 1986 à Genève. Il est vrai que les armes « IS », de conception très simple, nintéressait guère les industriels. Il nempêche quun simple moteur davion couplé à un tuyau accordé en longueur peut faire sécrouler un bâtiment à plus dun kilomètre de distance.
Malgré tout cela, la problématique des IS demeure ignorée, tant des instances sanitaires que du grand public. Lors de lélaboration de la directive européenne « Agents physiques », Daniel DEPRIS avait proposé, en toute logique, dintégrer les infrasons dans la liste des agents physiques recensés par ladite directive. Cependant, fort curieusement, les instances communautaires refusèrent dintégrer les IS dans cette liste.
Les infrasons étant par nature inaudibles (comme les ultrasons)(**) - donc indécelables par les sens naturels dont lêtre humain est doté il nest jamais facile de mettre en évidence une pollution de lenvironnement par les IS. Par ailleurs, la mesure des IS exige la mise en uvre dun matériel spécial. Il sagit de sonomètres spécialement conçus pour recevoir un filtre qui élimine les fréquences audibles et en laisse passer que les fréquences soniques inférieurs à 20 Hz (domaine des infrasons).
Les mesures ne peuvent donc être effectuées que par un spécialiste connaissant ce type de matériel et capable dinterpréter les données recueillies. Il en résulte un coût des expertises qui nest généralement pas à la portée des particuliers. A ce jour, la plupart des acousticiens ne sont pas en mesure de faire des expertises dans le domaine des nuisances non audibles (infrasons et ultrasons).
Il existe cependant un petit « truc technique » qui permet, avec des moyens simples, de mettre en évidence certaines pollutions imputables aux infrasons, lorsque ceux-ci sont transmis par lai ambiant. En effet, sils ne sont pas audibles, les infrasons peuvent, à partir dun certain niveau de puissance, être détectés (mais pas mesurés) du seul fait quil peuvent « moduler » un son audible ayant une fréquence parfaite-ment fixe.
(**) Inaudibles pour les humains mais pas pour certaines espèces animales. Cest notamment le cas pour les éléphants dont les organes sont adaptés à lamission et à la réception de certaines fréquences IS. Ils peuvent ainsi communiquer à très longue distance grâce à des sons non audibles pour lhomme. Dans le cas des ultrasons, on sait que cest en émettant de telles fréquences que les chauve-souris peuvent se diriger dans lobscurité (principe du sonar). Loreille humaine est théoriquement sensible aux fréquences comprises entre 16 Hz et 18.000 Hz mais cela varie en fonction de lâge et dun individu à un autre. Une « bonne oreille » capte les fréquences allant de 20 Hz à 15.000 Hz et cest surtout dans le domaine des sons aigus que loreille perd rapidement de son efficacité. A 60 ans, nombreuses sont les personnes qui ne perçoivent plus grand-chose au-delà de 10.000 Hz (10 kHz).
En laboratoire, on se sert dun générateur BF qui permet de générer nimporte quelle fréquence sonore et de linjecter dans un amplificateur audio. Aujourdhui, ces petits générateurs BF jadis en usage chez tous les techniciens radio-TV sont devenus difficiles à trouver. On peut, toutefois, se servir dune cassette audio ou dun CD audio sur lesquels on aurait enregistré un signal à fréquence fixe (comme le 1.000 Hz qui servait jadis au réglage son des téléviseurs et qui accompagnait la mire).
Chez soi, il suffit dutiliser ce signal audio qui sera diffusé dans une chaîne Hi-Fi classique, si possible par des diffuseurs assez écartés les uns des autres (comme cest le cas pour les bonnes installations de stéréophonie). On commence avec un niveau sonore et on réduit peu à peu la puissance. A chaque palier de puissance, on circule un peu dans la pièce où la détection sopère.
Si un infrason est présent dans lenvironnement, il arrivera un moment où le son fixe diffusé par les hauts parleurs va donner limpression dosciller, de varier en puis-sance selon un rythme bien précis. En fait, le son fixe sera « modulé » à la fréquence de linfrason. Si lIS nest détectable quavec un niveau sonore faible, cest que sa puissance est assez moyenne. Mais sil est détectable avec un niveau sonore élevé, cest quil est lui-même de forte puissance.
Cette méthode de détection des IS permet donc de mettre en évidence des IS de puissance moyenne ou forte et elle exige implique de procéder par tâtonnements, en refaisant lessai à des heures différentes et dans des pièces différentes. Les IS ont en effet la particularité dêtre des ondes de grande longueur dont les effets peuvent être faibles à tel endroit et important quelques mètres ou dizaines de mètres plus loin. Si nous considérons les fréquences de 1 à 20 Hz, nous calculons aisément que les longueurs dondes, dans lair, seront comprises entre 330 et 16,5 mètres (envi-ron). On pourra donc, selon la fréquence considérée, trouver un maximum et un minimum dintensité en séloignant de quelques mètres, de quelques dizaines de mètres et même de plus de 100 mètres. Il en sera de même pour les IS transmis par le sol (avec des fréquences parfois inférieures à 1 Hz) mais en considérant des vitesses de propagation totalement différentes (et variables selon la nature du sol).
Il ny aura donc rien danormal à ce quune nuisance IS soit détectable dans une pièce et non dans un autre. Il en sera de même dun étage à un autre et même dun immeuble à un autre. Cette caractéristique physique liée à la longueur donde rend dailleurs la perception de ce phénomène assez délicate. Bien souvent, telle personne (ou groupe de personnes) sera très affectée par une source dIS alors même que ses voisins immédiats ne seront dérangés en aucune façon. Cest ainsi que des personnes effectivement affectées par une pollution infrasonique ont parfois été regardée comme affabulatrices par des autorités sanitaires (ou autres) qui nont aucune connaissance de la réalité des phénomènes acoustiques non audibles.
Il faut aussi considérer que les fréquences audibles basses et très basses (inférieures à 200 Hz) peuvent provoquer des troubles qui sont de même nature que ceux qui sont associés aux infrasons. Cest pour cette raison que lon parle dun « syndrome des infrasons et des sons graves ».
Dans le cas où une nuisance infrasonique aura été mise en évidence par le procédé qui vient dêtre exposé, on pourra en déterminer la fréquence et la puissance exacte avec un sonomètre équipé dun filtre IS/US mais en sachant quune telle expertise nest pas à la portée de toutes les bourses (du fait de la nécessité de faire appel à un expert qualifié qui devra louer le matériel de mesure auprès dune firme spécialisée).
Pour les personnes qui éprouveraient des difficultés à se procurer une source de son fixe pour effectuer les essais décrits ci-dessus, le CEPHES peut fournir une cassette audio ou un CD audio avec lenregistrement dun tel son. Cette source pourra être utilisée avec un lecteur audio classique (K7 ou CD) de bonne qualité (très stable) qui sera doté, soit de son propre amplificateur (chaîne dite « compacte »), soit raccordé à une chaîne Hi-FI indépendante. Cette seconde solution sera préférable à la première car les petites chaînes génèrent souvent de la distorsion à partir dun certain niveau de puissance. Le prix de la K7 ou du CD dessai a été fixé à 20 euros (frais denvoi inclus). |
Rappelons enfin quil est pratiquement impossible de se prémunir contre les IS et ce, compte tenu des longueurs dondes élevées qui leurs sont propres (cest comme pour les grandes longueurs donde électromagnétiques). En cas de pollution IS, on ne peut agir quen effectuant une « correction à la source » (conformément à larticle 30 R du Traité de lUnion européenne) aux frais du pollueur (***).
(***) Pour mémoire, larticle 130 R implique les trois principes qui régissent fondamentalement le droit européen en matière de protection de la santé et de lenvironnement : principe de précaution, principe de correction à la source et principe du pollueur-payeur. Cet article est dapplication depuis 1986.