013-06
Le 14 septembre 2006

Détection et mesure des infrasons (IS) dans l’environnement

Depuis quelques années, le secrétariat général et le présidence du CEPHES sont régulièrement consultés à propos des effets nocifs des infrasons ainsi que des moyens à mettre en œuvre pour détecter et mesurer ces nuisances extrêmement insidieuses.


En 1994, Daniel DEPRIS, président du CEPHES, a publié une première brochure de 54 pages ayant trait à la problématique des infrasons. Actuellement épuisée, elle est en cours de réédition.

Cette brochure énumère les principaux effets biologiques que les infrasons peuvent générer lorsqu’ils dépassent un certain niveau de puissance, généralement à partir de 90 décibels. Cela va des troubles diffus (nausées, céphalées, difficultés de concentration) jusqu’à des accidents très graves (comme des hémorragies internes provoquées par la mise en vibration des organes) lorsque le niveau dépasse les 125 dB. Dans la seconde moitié des années 60, une équipe française du CNRS de Marseille avait mis ces effets en évidence en remarquant que la fréquence IS la plus nocive pour l’être humain était de l’ordre de 7 Hz.


Aujourd’hui, de plus en plus de dispositifs techniques peuvent générer des infrasons puissants dans l’environnement. Il s’agit notamment des systèmes de climatisation qui pulsent de l’air dans des canalisations de grande longueur (effet de tuyau d’orgue) ainsi que de toutes sortes de moteurs à régime très lent (comme les diesels de marine, les moteurs de camion tournant au petit ralenti et les turboalternateurs des centrales électriques). Les moteurs d’avion à réaction génèrent, eux aussi, des niveaux élevés d’infrasons. Dans l’industrie, des installations telles que celles des laminoirs produisent des IS intenses qui sont surtout transmis par le sol. Les aérogénérateurs (éoliennes) dotés de grandes pales génèrent aussi des infrasons qui peuvent être puissants (*).

Notons enfin, qu’il existe des infrasons naturels de type tellurique (vibrations de la lithosphère) et des infrasons atmosphérique (vents puissants passant entre des bâtiments élevés et produisant un « effet de sifflet).


(*) Outre les effets biologiques qu’ils engendrent, les IS peuvent être à l’origine de problèmes techniques importants et même d’accidents graves. Lorsqu’ils se propagent à grande vitesse dans les matériaux solides, ils peuvent provoquer des dommages importants dans toutes sortes de dispositifs, notamment en endommageant des connexions, en provoquant des ruptures de soudures ou en générant des fissures. Il y a quelques années, la Sté Airbus Industries s’est ainsi trouvée confrontée à un IS de 2 Hz sur certains appareils. Les autres constructeurs d’avions rencontrent régulièrement les mêmes problèmes. Dans les avions de ligne, les IS peuvent avoir des incidences désastreuses sur le matériel mais ils peuvent aussi affecter le personnel navigant (en réduisant les facultés d’attention et de concentration des pilotes) et mêmes les passagers.

L’un des départements du CEA, chargé de la sécurité nucléaire, s’est par ailleurs adressé au CEPHES à la suite de problèmes d’IS rencontrés sur les centrales d’EDF.


L’utilisation militaire des a été interdite par un moratoire international signé en 1986 à Genève. Il est vrai que les armes « IS », de conception très simple, n’intéressait guère les industriels. Il n’empêche qu’un simple moteur d’avion couplé à un tuyau accordé en longueur peut faire s’écrouler un bâtiment à plus d’un kilomètre de distance. 

Malgré tout cela, la problématique des IS demeure ignorée, tant des instances sanitaires que du grand public. Lors de l’élaboration de la directive européenne « Agents physiques », Daniel DEPRIS avait proposé, en toute logique, d’intégrer les infrasons dans la liste des agents physiques recensés par ladite directive. Cependant, fort curieusement, les instances communautaires refusèrent d’intégrer les IS dans cette liste.


Les infrasons étant par nature inaudibles (comme les ultrasons)(**) - donc indécelables par les sens naturels dont l’être humain est doté – il n’est jamais facile de mettre en évidence une pollution de l’environnement par les IS. Par ailleurs, la mesure des IS exige la mise en œuvre d’un matériel spécial. Il s’agit de sonomètres spécialement conçus pour recevoir un filtre qui élimine les fréquences audibles et en laisse passer que les fréquences soniques inférieurs à 20 Hz (domaine des infrasons).

Les mesures ne peuvent donc être effectuées que par un spécialiste connaissant ce type de matériel et capable d’interpréter les données recueillies. Il en résulte un coût des expertises qui n’est généralement pas à la portée des particuliers. A ce jour, la plupart des acousticiens ne sont pas en mesure de faire des expertises dans le domaine des nuisances non audibles (infrasons et ultrasons).


Il existe cependant un petit « truc technique » qui permet, avec des moyens simples, de mettre en évidence certaines pollutions imputables aux infrasons, lorsque ceux-ci sont transmis par l’ai ambiant. En effet, s’ils ne sont pas audibles, les infrasons peuvent, à partir d’un certain niveau de puissance, être détectés (mais pas mesurés) du seul fait qu’il peuvent « moduler » un son audible ayant une fréquence parfaite-ment fixe.


(**) Inaudibles pour les humains mais pas pour certaines espèces animales. C’est notamment le cas pour les éléphants dont les organes sont adaptés à l’amission et à la réception de certaines fréquences IS. Ils peuvent ainsi communiquer à très longue distance grâce à des sons non audibles pour l’homme. Dans le cas des ultrasons, on sait que c’est en émettant de telles fréquences que les chauve-souris peuvent se diriger dans l’obscurité (principe du sonar). L’oreille humaine est théoriquement sensible aux fréquences comprises entre 16 Hz et 18.000 Hz mais cela varie en fonction de l’âge et d’un individu à un autre. Une « bonne oreille » capte les fréquences allant de 20 Hz à 15.000 Hz et c’est surtout dans le domaine des sons aigus que l’oreille perd rapidement de son efficacité. A 60 ans, nombreuses sont les personnes qui ne perçoivent plus grand-chose au-delà de 10.000 Hz (10 kHz).

En laboratoire, on se sert d’un générateur BF qui permet de générer n’importe quelle fréquence sonore et de l’injecter dans un amplificateur audio. Aujourd’hui, ces petits générateurs BF – jadis en usage chez tous les techniciens radio-TV – sont devenus difficiles à trouver. On peut, toutefois, se servir d’une cassette audio ou d’un CD audio sur lesquels on aurait enregistré un signal à fréquence fixe (comme le 1.000 Hz qui servait jadis au réglage son des téléviseurs et qui accompagnait la mire).


Chez soi, il suffit d’utiliser ce signal audio qui sera diffusé dans une chaîne Hi-Fi classique, si possible par des diffuseurs assez écartés les uns des autres (comme c’est le cas pour les bonnes installations de stéréophonie). On commence avec un niveau sonore et on réduit peu à peu la puissance. A chaque palier de puissance, on circule un peu dans la pièce où la détection s’opère.

Si un infrason est présent dans l’environnement, il arrivera un moment où le son fixe diffusé par les hauts parleurs va donner l’impression d’osciller, de varier en puis-sance selon un rythme bien précis. En fait, le son fixe sera « modulé » à la fréquence de l’infrason. Si l’IS n’est détectable qu’avec un niveau sonore faible, c’est que sa puissance est assez moyenne. Mais s’il est détectable avec un niveau sonore élevé, c’est qu’il est lui-même de forte puissance.


Cette méthode de détection des IS permet donc de mettre en évidence des IS de puissance moyenne ou forte et elle exige implique de procéder par tâtonnements, en refaisant l’essai à des heures différentes et dans des pièces différentes. Les IS ont en effet la particularité d’être des ondes de grande longueur dont les effets peuvent être faibles à tel endroit et important quelques mètres ou dizaines de mètres plus loin. Si nous considérons les fréquences de 1 à 20 Hz, nous calculons aisément que les longueurs d’ondes, dans l’air, seront comprises entre 330 et 16,5 mètres (envi-ron). On pourra donc, selon la fréquence considérée, trouver un maximum et un minimum d’intensité en s’éloignant de quelques mètres, de quelques dizaines de mètres et même de plus de 100 mètres. Il en sera de même pour les IS transmis par le sol (avec des fréquences parfois inférieures à 1 Hz) mais en considérant des vitesses de propagation totalement différentes (et variables selon la nature du sol).


Il n’y aura donc rien d’anormal à ce qu’une nuisance IS soit détectable dans une pièce et non dans un autre. Il en sera de même d’un étage à un autre et même d’un immeuble à un autre. Cette caractéristique physique liée à la longueur d’onde rend d’ailleurs la perception de ce phénomène assez délicate. Bien souvent, telle personne (ou groupe de personnes) sera très affectée par une source d’IS alors même que ses voisins immédiats ne seront dérangés en aucune façon. C’est ainsi que des personnes effectivement affectées par une pollution infrasonique ont parfois été regardée comme affabulatrices par des autorités sanitaires (ou autres) qui n’ont aucune connaissance de la réalité des phénomènes acoustiques non audibles.

Il faut aussi considérer que les fréquences audibles basses et très basses (inférieures à 200 Hz) peuvent provoquer des troubles qui sont de même nature que ceux qui sont associés aux infrasons. C’est pour cette raison que l’on parle d’un « syndrome des infrasons et des sons graves ».


Dans le cas où une nuisance infrasonique aura été mise en évidence par le procédé qui vient d’être exposé, on pourra en déterminer la fréquence et la puissance exacte avec un sonomètre équipé d’un filtre IS/US mais en sachant qu’une telle expertise n’est pas à la portée de toutes les bourses (du fait de la nécessité de faire appel à un expert qualifié qui devra louer le matériel de mesure auprès d’une firme spécialisée).

Pour les personnes qui éprouveraient des difficultés à se procurer une source de son fixe pour effectuer les essais décrits ci-dessus, le CEPHES peut fournir une cassette audio ou un CD audio avec l’enregistrement d’un tel son. Cette source pourra être utilisée avec un lecteur audio classique (K7 ou CD) de bonne qualité (très stable) qui sera doté, soit de son propre amplificateur (chaîne dite « compacte »), soit raccordé à une chaîne Hi-FI indépendante. Cette seconde solution sera préférable à la première car les petites chaînes génèrent souvent de la distorsion à partir d’un certain niveau de puissance. Le prix de la K7 ou du CD d’essai a été fixé à 20 euros (frais d’envoi inclus).

Rappelons enfin qu’il est pratiquement impossible de se prémunir contre les IS et ce, compte tenu des longueurs d’ondes élevées qui leurs sont propres (c’est comme pour les grandes longueurs d’onde électromagnétiques). En cas de pollution IS, on ne peut agir qu’en effectuant une « correction à la source » (conformément à l’article 30 R du Traité de l’Union européenne) aux frais du pollueur (***).


(***) Pour mémoire, l’article 130 R implique les trois principes qui régissent fondamentalement le droit européen en matière de protection de la santé et de l’environnement : principe de précaution, principe de correction à la source et principe du pollueur-payeur. Cet article est d’application depuis 1986.