Le 4 octobre, la digue de deux réservoirs de l’usine d’aluminium d’Ajka s’est rompue en déversant sur Kolontár, Devecser et Somlóvásárhely une boue toxique rouge [sept villages ont été touchés par la vague d’un million de mètres cubes], entraînant la mort de plusieurs personnes et en blessant une centaine d’autres. La cause de la catastrophe n’est pas établie, mais l’entreprise affirme d’ores et déjà que “la boue de décantation est stockée dans des réservoirs conformes aux normes, sécurisés et munis d’écrans de surveillance”. Elle laisse entendre qu’il faut imputer la responsabilité de ce désastre à la météo, notamment aux grosses pluies de la saison dernière.

Précisons tout de suite que la situation météorologique de la Hongrie et du bassin des Carpates n’est pas imprévisible. En outre, il ne faut pas anticiper le verdict des experts. On soupçonne toutefois que les déchets n’ont pas été entreposés comme il le fallait. Invoquer des pluies abondantes et crier à la catastrophe naturelle est un faux-fuyant. On peut aussi se demander si l’entreprise à l’origine de ces dommages sera en mesure de les réparer. Si l’Etat veut éviter de faire le ménage après des pollutions importantes, il doit veiller à faire respecter la réglementation. Il n’est pas normal que les contribuables paient les pots cassés compte tenu de la situation actuelle du pays [durement touché par la crise financière].

La défense de l’environnement hongrois est légendaire pour ses lois strictes, conformes à celles de l’Europe occidentale, et tout autant pour ses contrôles laxistes, dignes des pays balkaniques. Les agents chargés de ce travail ne disposent pas des moyens nécessaires pour effectuer leur tâche et diminuer la fréquence de ce genre d’incident. Cette catastrophe pose également le problème des priorités du pays en matière de politique environnementale. Ces derniers temps, la Hongrie a concentré toute son énergie à se conformer aux directives de l’Union européenne (UE) et mettre en place le traitement sélectif et le recyclage des déchets ménagers. Du coup, on a prêté moins d’attention aux déchets industriels. Or ces derniers sont non seulement plus importants en volume, mais ils sont aussi bien plus nocifs et présentent des risques bien supérieurs pour la santé humaine et l’environnement.

Alors que la région subit une catastrophe industrielle tous les dix ans et que nous ignorons de combien de bombes à retardement écologiques nous entourent, nous dépensons des milliards, sous la pression de l’UE, pour le traitement sélectif de déchets ménagers inoffensifs ! Aujourd’hui, on nous dit que l’ennemi public numéro un de la gestion des déchets est la bouteille plastique des sodas et des eaux minérales. Rendons-nous à l’évidence, ces bouteilles ne causent pas de brûlures, ne détruisent aucune maison, ne rendent pas les terres stériles et ne dévastent pas les lignes de chemin de fer. Puisque nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes à la fois, serait-il possible de privilégier l’essentiel, notamment dans le domaine de la défense de l’environnement ?