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Chômeurs : leurs enfants sont privés de cantine

De nombreuses contributions ont permis de mettre à jour la carte des villes qui réservent l'accès de leurs cantines aux enfants dont les deux parents travaillent. Voici quelques témoignages de chômeurs dont les enfants ont été éconduits.

Par Alexandre Léchenet

Publié le 16 septembre 2011 à 15h27, modifié le 16 septembre 2011 à 17h41

Temps de Lecture 4 min.

Le 13 septembre, Le Monde.fr vous proposait une carte des cantines qui réservent l'accès à la restauration scolaire aux enfants dont les deux parents travaillent, excluant de fait les enfants de chômeurs. Depuis, nous avons reçu de nombreuses contributions qui nous ont permis de mettre à jour la carte avec une quinzaine de villes supplémentaires et de prendre connaissance de témoignages de parents qui n'arrivent pas à inscrire leurs enfants.

Sur la carte mise à jour, nous avons identifié 37 communes qui restreignent l'accès de leur cantine.

AUCUN MOMENT DE LIBRE POUR TROUVER UN EMPLOI

Karine a quitté son emploi en Loire-Atlantique pour s'installer avec son mari à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Et elle s'est retrouvée confrontée à la mairie et au règlement de la cantine. Comme elle ne travaille pas, ses enfants n'ont droit qu'à un jour de cantine par semaine. "Trois enfants, dans deux écoles différentes." Il fallait pour elle "gérer les quatre allers-retours dans la journée", "organiser le déménagement", "trouver ses marques", ce qui ne lui laisse aucun moment de libre pour trouver un emploi.

Karine a eu l'occasion de trouver un emploi cet été, et depuis cette date, tous ses enfants sont accueillis à la cantine. 25 élèves sur 27 dans la classe de sa fille bénéficient de la restauration scolaire. "Donc la capacité d'accueillir ces enfants est-elle vraiment un problème", se demande-t-elle ?

Jeanne, qui habite dans l'Isère, n'a quant à elle pas hésité. "J'ai dû mentir et tricher afin d'obtenir que mes enfants soient gardés à midi et en fin d'après-midi. (...) J'ai dû tricher pour conserver ce droit d'avoir du temps pour moi et ma recherche d'emploi et je ne le regrette absolument pas. Aujourd'hui, si je retravaille, c'est parçe que j'ai pu me rendre par deux fois aux entretiens de mon employeur actuel en me rendant disponible dans la journée même."

"C'EST PARCE QUE TA MAMAN EST AU CHÔMAGE"

Le cas de Nicolas est aussi problématique. Sa femme effectue des missions d'intérim. Pour que les enfants soient acceptés à la cantine, elle doit, à chaque contrat "donner à l'école un justificatif d'embauche". Il explique qu'en plus, si elle doit se présenter à un rendez-vous, elle ne dispose que de quinze jours par an "et pas un de plus". Il conclut avec une interrogation : "Ce que nous ne comprenons pas, c'est que, quand notre enfant va à la cantine quand nous pouvons le justifier, l'école s'arrange à l'accueillir. Alors pourquoi ne pas pouvoir l'accueillir à temps plein ?"

Il termine son témoignage par ces mots : "Il est difficile de répondre à notre enfant : 'Papa, pourquoi je ne vais pas tous les jours à la cantine ?' C'est sûr que nous ne pouvons pas lui dire : 'Mon enfant, c'est parce que ta maman est au chômage'."

LE CRITÈRE DE SÉLECTION LIÉ À L'ACTIVITÉ DES PARENTS EST DISCRIMINATOIRE

Patrick Mondon, conseiller municipal de Levet (Cher), a lui décidé de saisir le tribunal administratif d'Orléans. Dans sa commune, la majorité au conseil a décidé de voter un réglement en connaissance de cause, privilégiant l'accès à la cantine aux enfants dont les deux parents travaillent. Le tribunal administratif d'Orléans a rendu un jugement qui précise que la délibération du conseil municipal est suspendue. "Le tribunal a retenu comme motif que le critère de sélection lié à l'activité des parents est discriminatoire et sans rapport à l'objet du service de restauration scolaire, justifiant ainsi la suspension du règlement de la cantine scolaire."

IL N'EXISTE PAS DE SOLUTION IDÉALE

Nous avons aussi reçu le témoignage de Pierre, qui a été directeur général des services dans plusieurs communes de la région Rhône-Alpes. Il essaie d'expliquer pourquoi les mairies en viennent à sélectionner ceux qui peuvent ou pas manger à la cantine. Pierre commence par préciser qu'une commune n'a pas l'obligation de proposer une service de restauration scolaire, et que souvent les cantines ont été prévues au siècle dernier, alors qu'il y avait moins d'enfants.

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Selon lui, "l'augmentation des effectifs dans les cantines, c'est donc une augmentation des locaux, du personnel de restauration et de surveillance, et au final une augmentation des impôts". Il explique ensuite qu'il existe plusieurs solutions si l'agrandissement des locaux n'est pas possible :

  • Augmenter le nombre de services en respectant pour chaque enfant une "pause méridienne" d'une heure trente.
  • Organiser un self-service, ce qui n'est pas possible en maternelle, mais permet d'augmenter de 10 % les effectifs.
  • Limiter l'accès et donc rompre l'égalité devant le service public. Dans ce cas, plusieurs critères peuvent être pris en considération :
    - les familles dont les deux parents travaillent, en considérant qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de leurs enfants.
    - les familles dont les parents sont en recherche d'emploi ou ayant de faibles revenus, en considérant qu'ils ont moins les moyens de s'occuper de leurs enfants.
    - enfin, ne pas choisir de critères, mais limiter l'accès à deux ou trois jours par semaine.

"Nous aurons compris qu'il n'existe pas de solution idéale", conclut-il.

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