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Aux Etats-Unis, des centaines de villes, croulant sous leurs déchets, ne recyclent plus

Depuis que la Chine a décidé de cesser d’importer des déchets, les Etats-Unis sont confrontés au problème de la gestion de leurs détritus.

Publié le 28 mars 2019 à 20h54, modifié le 28 mars 2019 à 20h54 Temps de Lecture 4 min.

Les Américains ne sont pas performants en termes de recyclage : environ 25 % de ce qui se retrouve dans les bacs de tri sélectif n’est pas recyclable, selon « The Atlantic ».

Le réseau de recyclage américain est-il en train de s’effondrer ? A Philadelphie, les déchets recyclables de la moitié des habitants – ils sont 1,5 million – sont désormais incinérés. Les canettes, bouteilles et journaux qui s’accumulent dans les bacs de recyclage de l’aéroport international de Memphis finissent dans une décharge. Et la ville de Deltona, en Floride, a récemment suspendu son programme de recyclage municipal, rapportait le New York Times à la mi-mars.

Depuis que la Chine, jusqu’alors la destination numéro un des déchets américains – et pas seulement –, a choisi de ne plus être la « poubelle du monde », des centaines de municipalités à travers les Etats-Unis découvrent ce qu’il en coûte de consommer, et donc de produire des tonnes de déchets. Et se voient obligés de réinventer la gestion de leurs déchets.

Le 18 juillet 2017, Pékin a notifié à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qu’il allait interdire l’entrée sur son territoire à vingt-quatre catégories de déchets – plastiques, papiers et textiles – solides. Pour justifier ce changement, les autorités chinoises ont mis en avant l’argument environnemental et la nécessité de développer leur propre industrie de recyclage. La mesure est entrée en vigueur fin 2017 et en novembre 2018, Pékin a annoncé que trente-deux nouveaux produits, allant des rebuts d’acier inoxydable au bois en passant par les pièces automobiles et de navires, allaient s’ajouter à la liste de ceux déjà bannis.

Entre 1992 et 2017, la Chine et Hongkong ont importé 72,4 % de tous les déchets plastiques destinés au recyclage, indiquait une étude publiée dans Science Advances. Chaque jour, 4 000 conteneurs de plastique recyclable partaient des Etats-Unis vers la Chine. Mais entre janvier et octobre 2018, les déchets en plastique, papier et métal importés par Pékin ont diminué de 51,5 % par rapport aux dix premiers mois de 2017, affirment des chiffres des douanes chinoises cités par l’agence officielle Chine nouvelle.

Incinérer plutôt que trier

Conséquence : le tri du papier, des plastiques, du métal et du verre, ainsi que la recherche de débouchés pour ces produits se révèlent aujourd’hui des opérations trop onéreuses pour nombre de communes américaines. Même pour la plus grande ville de Pennsylvanie, dont les habitants produisent 400 tonnes de déchets recyclables par jour.

Lorsqu’ils étaient recyclés, la municipalité de Philadelphie gagnait de l’argent : en 2012, Republic Services, l’un des géants de la gestion du secteur, versait 67,35 dollars (environ 60 euros) à la ville pour le traitement d’une tonne de déchets. Mais après la décision des autorités chinoises, la donne a changé. A l’été 2018, lorsque Republic Services renégociait le contrat, l’entreprise envisageait de facturer 170 dollars le recyclage d’une tonne de déchets.

Trop cher pour la ville, qui a décidé de recourir aux services d’un concurrent, Waste Management. Mais celui-ci n’est en mesure de traiter que la moitié des ordures municipales, pour 78 dollars la tonne. Le reste est incinéré par Covanta Energy, un autre acteur du secteur des déchets et de l’incinération. « La plupart d’entre nous pensent que le recyclage est un service offert par notre ville, mais c’est en réalité un business », rappelle le site Earther.

De petites villes comme Broadway en Virginie, Blaine County dans l’Idaho ou Franklin dans le New Hampshire ne sont pas épargnées. En 2010, Franklin (8 600 habitants) a lancé un programme de recyclage qui ne pesait pas sur ses finances, raconte The Atlantic : une tonne de déchets recyclés lui rapportait 6 dollars, ce qui était suffisant pour amortir le service de tri sélectif. Mais depuis le changement de politique en Chine, elle doit débourser 125 dollars pour recycler une tonne de déchets, ou 68 dollars pour l’incinérer. Avec 18,4 % de sa population sous le seuil de pauvreté, la municipalité ne se voit pas augmenter les impôts pour financer le recyclage : elle a aussi choisi la solution de l’incinération, mauvaise pour la qualité de l’air.

Quand elles ne recourent pas à l’incinération ou au tri, les municipalités sont obligées d’ouvrir des décharges à ciel ouvert. Celles-ci sont la troisième source d’émission de méthane d’origine humaine aux Etats-Unis : elles représentent environ 14,1 % de ces émissions en 2016, selon les chiffres de l’Agence pour l’environnement (EPA).

Les solutions alternatives

« La Chine a donné trop peu de temps au secteur pour s’adapter », déplore Adina Renee Adler, de l’Institute of Scrap Recycling Industries, l’une des grandes fédérations professionnelles du secteur du recyclage. « Nous aurons bientôt tellement de stocks que nous serons obligés d’en mettre de plus en plus dans les décharges si on ne trouve pas de nouveaux marchés », admet aussi le président de la National Waste and Recycling Association, Darrell Smith.

Les villes américaines ne peuvent pas non plus miser sur les autres pays importateurs de déchets. L’Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande ou l’Inde sont incapables d’absorber les dizaines de millions de tonnes que la Chine importait. Et quand ces pays acceptent d’en importer une partie, ils imposent un cahier des charges drastique.

Alors que faire ? Travailler en amont pour réduire l’utilisation de plastique semble l’une des seules solutions, comme le rappelle Slate : « Plus tôt nous accepterons que le recyclage est économiquement impraticable, plus tôt nous pourrons faire des progrès en réglant le problème de la pollution plastique », a souligné Jan Dell, la directrice de l’association Last Beach Cleanup.

Des municipalités comme San Francisco essaient aussi de faire changer les mentalités. En plus de réduire leur consommation, de réutiliser et de recycler, la ville incite ses habitants à refuser de consommer. Un pari loin d’être gagné en pleine Silicon Valley, et alors que l’économie américaine tourne à plein régime et produit plus de déchets que jamais : en 2015, la dernière année pour laquelle des données nationales sont disponibles, les Etats-Unis ont produit 262,4 millions de tonnes de déchets, soit 4,5 % de plus qu’en 2010 et 60 % de plus qu’en 1985.

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