Capital : Vous avez découvert que les antibiotiques boostés aux huiles essentielles étaient beaucoup plus efficaces pour lutter contre les bactéries ultrarésistantes que les antibiotiques classiques. Où en êtes-vous précisément dans vos recherches ?

Adnane Remmal : J’ai obtenu un brevet en 2014 pour ce procédé et je travaille avec Sothema, un petit laboratoire pharmaceutique marocain qui est l’un des plus gros du pays. On a commencé à faire des essais cliniques fin 2015 début 2016 avec l’Augmentin - qui est l’antibiotique le plus vendu au monde - et l’huile essentielle d'eucalyptus sur vingt-cinq cas très difficiles : des patients hospitalisés qui avaient des infections urinaires à germes multirésistants avec pratiquement tous une infection nosocomiale. C’était la première étude clinique initiée par un labo et un chercheur marocains ! Le résultat a été spectaculaire : après six jours de traitement, les traces d’infection avaient disparu dans les urines, même chez les patients qui étaient malades depuis près de vingt ans, le médecin n’arrivait pas à y croire. On a ensuite recommencé sur cinquante autres patients, et même résultat ! Le médicament arrivera sur le marché marocain fin 2017 sous le nom de Soclav Plus, le Soclav étant un générique de l’Augmentin produit par Sothema. Il permettra de soigner des infections urinaires récalcitrantes, mais connaissant les médecins, ils l’utiliseront aussi pour des infections urinaires plus classiques.

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Capital : Avez-vous fait une demande d’autorisation de mise sur le marché en Europe et notamment en France ?

Adnane Remmal : Non, parce que le laboratoire marocain avec qui nous travaillons n’est malheureusement pas capable de couvrir le marché européen en terme de production, de marketing et de logistique. On va d’abord attendre de voir comment se passe le lancement de notre médicament sur le marché marocain. Mais je ne suis pas inquiet, car je sais qu’il est efficace. Pour les autres marchés, nous avons quelques discussions en cours. Une fois que nous aurons trouvé un partenaire, cela ne devrait dans tous les cas pas prendre plus de dix-huit mois pour que le médicament soit lancé.

Capital : D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 700.000 personnes meurent chaque année dans le monde à cause d’une infection ultrarésistante aux traitements antibiotiques, et le chiffre pourrait atteindre 10 millions en 2050 si aucune solution n’est trouvée. Or votre remède permet de résoudre le problème, et à moindre coût. Comment ont réagi les big pharma ?

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Adnane Remmal : Ils s’intéressent à notre produit, mais pour l’instant ils attendent de voir. C’est difficile pour eux de constater qu’on a développé un médicament 100% efficace en investissant seulement quelques millions de dollars alors qu’eux dépensent des centaines de millions voire des milliards pour lancer de nouveaux médicaments. D’autant que, pour y parvenir, j’ai fait les choses très simplement : j’ai pris des tubes à essai, j’y ai mis les produits dedans, et j’ai comparé les effets de l’antibiotique avec et sans huile essentielle. Mais le jour où ils verront que notre remède est plus efficace qu’un simple antibiotique et qu’il va grignoter leur part de marché, alors on pourra avoir des discussions sérieuses avec des big pharma.

Capital : Avez-vous été approché par de gros laboratoires ?

Adnane Remmal : On m’a fait des offres, mais des offres que je considère comme indécentes. On m’a proposé des dizaines de millions d’euros, alors que mon brevet vaut des centaines de millions voire des milliards. Et puis je ne voudrais pas qu’on rachète mon brevet juste pour le mettre dans un placard car les enjeux de santé publique sont énormes dans ce domaine. Les bactéries ultrarésistantes aux traitements antibiotiques représentent en effet l’un des principaux défis auquel nous sommes aujourd’hui confrontés. Et si l’on ne parvient pas à y répondre, on risque de se retrouver dans la même situation qu’avant l’arrivée des antibiotiques, dans l’ère pré-pénicilline. Ce serait un gigantesque retour en arrière, car sans antibiotique efficace, il n’y a plus de médecine ! Vous vous rendez compte, on ne pourrait par exemple plus faire aucune transplantation d’organe ! Et puis les enjeux économiques sont énormes. D’après la Banque mondiale, ce problème coûte aujourd’hui des milliards à nos système de santé, et cela coûtera bien plus pour trouver une nouvelle génération d’antibiotiques efficaces. Je suis sûr que si je travaillais pour un grand labo, mon médicament serait déjà sur le marché et remplacerait les antibiotiques actuels.

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Capital : Votre alliance entre les antibiotiques et les huiles essentielles peut-elle permettre de soigner d’autres maladies ?

Adnane Remmal : Oui bien sûr ! Je travaille sur plusieurs autres maladies. Nous avons aussi montré qu’il est possible de booster les antipaludéens et les antituberculeux avec des huiles essentielles, j’ai d’ailleurs déposé un brevet pour cela. C’est donc dans les starting-block, mais il nous faut maintenant trouver un partenaire pour faire des études cliniques. Et c’est pareil pour les maladies sexuellement transmissibles et les maladies nosocomiales. Nous avons aussi fait des essais pré-cliniques très prometteurs pour le cancer, mais nous avons là encore besoin de partenaires pour aller plus loin.

Capital : Vous avez aussi mis au point un procédé pour remplacer les antibiotiques dans l’alimentation animale. Le produit sera-t-il bientôt disponible en Europe et notamment en France ?

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Adnane Remmal : Sur ce sujet, mon allié est la législation, qui interdit depuis 2006 en Europe l’utilisation des antibiotiques dans l’alimentation animale. Comme ce n’est pas le cas dans les pays en développement, j’ai conçu un produit alternatif à base d’huiles essentielles. Des éleveurs marocains l’ont testé, et ils l’ont trouvé tellement efficace qu’ils m’ont sollicité pour supprimer les antibiotiques dès 2013. Pour faire face à la demande, j’ai même dû me transformer en producteur ! Aujourd’hui, je suis en contact avec des laboratoires américains et européens qui voudraient une licence pour ce produit. Dans deux à trois ans, les agriculteurs français pourront donc commencer à l’utiliser.

Capital : En France, beaucoup de médecins regardent de haut les huiles essentielles. Mais cela évolue, car certains CHU commencent à utiliser le miel d'eucalyptus pour ses bienfaits cicatrisants sur les plaies…

Adnane Remmal : Oui effectivement, il y a un effet impressionnant ! Mais ce n’est pas le miel qui tue les microbes, c’est l'eucalyptus qu’il contient, et plus spécifiquement les molécules de thymol et de carvacrol que l’abeille ramène des plantes qu’elle butine. L'eucalyptus est la meilleure huile essentielle qui soit, elle est aussi magique que l’aspirine car elle a des propriétés antimocrobiennes, mais aussi anti-inflammatoires et antioxydantes – ce qui permet de lutter contre le cancer. Et ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisque l'eucalyptus résiste à toutes les maladies.

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