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Pourquoi le moteur à essence va consommer un peu d'eau

Si le moteur à eau relève de l'utopie, mélanger ce liquide aux vapeurs d'essence permet de diminuer la consommation et la pollution. Testé sur la M4 GTS forte de 500 chevaux, le système Bosch débarquera sur des BMW plus modestes courant 2019.

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Injecter de l'eau dans un moteur pour économiser de l'essence ? On pourrait croire à une plaisanterie si l'affirmation ne recevait la caution de noms aussi prestigieux que ceux du motoriste BMW et de l'équipementier Bosch. De fait, la BMW M4 GTS est la première auto de série au monde à aspirer de la vapeur d'eau en même temps qu'un mélange d'air et d'essence. Oh ! A peine quelques millilitres d'eau par centaine de kilomètres parcourus. C'est suffisant, prétendent les ingénieurs allemands, pour économiser 4 % de carburant et de CO2 en moyenne sur le cycle normalisé WLTP, et davantage en conditions réelles de conduite (jusqu'à 13 %).

Introduit en 2016 sur le modèle le plus puissant et le plus exclusif de la Série 4 (forte de 500 chevaux, la M4 GTS est vendue au prix de 149.900 euros), ce système Waterboost breveté par Robert Bosch GmbH devrait être introduit sur des BMW à diffusion plus large dans le courant de l'année 2019. En effet, le constructeur laisse entendre que l'injection d'eau convient aussi bien à de modestes 3-cylindres qu'à un gros 6-cylindres surpuissant. Tout est question de rendement thermique, de taux de charge et de suralimentation.

Qui l'eût cru ? Une part de l'essence sert à refroidir le moteur

Revenons aux fondamentaux. Pour gagner des chevaux, les motoristes ont recours au compresseur qui sert à gaver le moteur en air et en essence. Résultat, à puissance égale, on peut diminuer la taille du moteur.

Mais comprimer l'air l'échauffe, tant et si bien que l'essence arrive à s'enflammer à son seul contact, sans attendre l'étincelle à la bougie (auto combustion ou cliquetis). Voilà qui fait désordre.

Le remède immédiat consiste à diminuer la pression de suralimentation et le taux de compression du mélange. Mais puissance et rendement thermique s'en ressentent alors. En compétition, les préparateurs ont recours depuis des dizaines d'années à des carburants exotiques, à très fort taux d'octane, dont la vaporisation absorbe davantage de calories que le supercarburant du commerce : méthanol et éthanol.

Il n'était pas question pour BMW d'exiger de ses clients qu'ils abreuvent leur M4 GTS en méthanol ou en éthanol : on n'en trouve pas à la station du coin. Pas question non plus d'abuser de la stratégie qui consiste à injecter un surcroît d'essence pour refroidir les chambres de combustion. Le 6-cylindres 3.0 biturbo de la BMW M4 y a déjà recours (comme nombre de moteurs suralimentés à essence, lorsqu'ils fonctionnent sous forte charge) mais pour passer de 431 chevaux à 500 chevaux, la consommation de carburant et les émissions de CO2 se seraient envolées au-delà du raisonnable.

Refroidir le mélange pour mieux exploiter le turbo

Au lieu de cela, les motoristes de BMW ont essayé puis adopté le système Waterboost de Bosch. L'injection de fines gouttelettes d'eau dans la tubulure d'admission permettrait d'abaisser de 25°C la température du mélange admis, par le simple effet de vaporisation. C'est le même effet qui fait frissonner le baigneur au sortir de la piscine en plein été.

Moins chaud, l'air conserve une densité supérieure qui renforce l'effet de gavage du compresseur qui souffle plus fort de 0,2 bar. En conséquence, le rendement thermique augmente, la consommation diminue, le seuil de cliquetis est repoussé et le point d'allumage peut être avancé. Le cercle vertueux, en somme.

La technique du dopage à l'eau ne sert pas uniquement les fortes puissances. En 2015, BMW avançait des gains significatifs pour son prototype de moteur 3-cylindres 1.5 turbo à essence : consommation en baisse de 8 %, malgré une puissance en hausse de 10 % (218 chevaux). Mieux, le constructeur constatait une réduction sensible des émissions d'oxydes d'azote.

Les amendes CO2 rentabilisent le coût du dopage à l'eau

Face à tous ces avantages, on se demande pourquoi les constructeurs n'ont pas adopté plus tôt le dopage à l'eau, utilisé sur certains moteurs d'avion alimentés au méthanol durant la Seconde Guerre Mondiale.

Comme toujours, la réponse tient en un équilibre délicat entre coût et fiabilité. Le renforcement de la taxation des émissions de CO2 permet de rentabiliser un système tel que le Waterboost de Bosch qui aurait été considéré comme superflu voici encore deux ans. Son surcoût reste difficile à estimer : de l'ordre de quelques centaines d'euros sur la BMW M4 GTS qui emporte un réservoir de cinq litres d'eau et sa pompe dédiée, ainsi que six injecteurs supplémentaires. Fort logiquement, la consommation varie en fonction de l'usage (conduite plus ou moins sportive). Le prix de revient devrait baisser avec la fabrication en série.

Par ailleurs, certains préparateurs ont vérifié à leurs dépens que l'eau n'est pas compressible : la vaporisation des gouttelettes doit être absolument garantie, au risque de voir l'eau s'accumuler et briser pistons et bielles. La puissance de calcul de l'électronique garantit une finesse dans le dosage qui n'existait pas même en rêve voici dix ans.

On se souviendra que Renault et Daimler, entre autres constructeurs se sont intéressés à l'injection d'eau pour en évaluer l'intérêt. Nul doute que leurs conclusions devront être réévaluées à l'aune du renchérissement du coût des systèmes de dépollution et des malus CO2 qui frappent le consommateur. Sans parler d'une taxation qui pourrait se baser à l'avenir sur les émissions de gaz polluants. Le potentiel de l'injection d'eau intéresse également le constructeur allemand MAN, qui l'adapte à ses gros moteurs Diesel marins.

Moteur Pantone et injection d'eau Bosch : pas la même chose

Inventeur américain, Paul Pantone a donné son nom en 1980 au principe qu'il a breveté : exploiter la chaleur du système d'échappement du moteur pour vaporiser un mélange de supercarburant et d'eau (à hauteur de 80 %). On est loin des quelques centilitres qu'injecte le système Waterboost de Bosch. Le débat autour du moteur Pantone dure depuis des décennies : certains le considèrent clos, en raison de l'absence d'étude scientifique indépendante venant quantifier les bénéfices vantés (puissance en hausse, diminution de la pollution et de la consommation). D'autres préfèrent se laisser séduire par la théorie fantasque du complot ourdi par les sociétés pétrolières et les motoristes, pour étouffer les mérites du procédé et décourager ceux qui seraient tentés d'investir les sommes considérables que réclamerait son perfectionnement nécessaire.

Les quelques ingénieurs consultés à ce propos par Challenges balaient le procédé du revers. Leur argumentaire se limite à ce constat : l'idée de produire de l'énergie à partir de l'eau est séduisante mais si, finalement, le procédé consomme davantage d'énergie qu'il n'en produit, alors le système est vain. Les ingénieurs parlent d'un bilan énergétique absurde. Sans parler du fait que la température des gaz d'échappement du moteur sont bien inférieures à celles requises par les réactions chimiques invoquées par le système Pantone.

 

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