Charbon, une addiction mondiale

Des nuages épais émanent d’une centrale au charbon à Baishan, dans la province de Jilin, en Chine. ©Getty - Christian Petersen-Clausen / Getty
Des nuages épais émanent d’une centrale au charbon à Baishan, dans la province de Jilin, en Chine. ©Getty - Christian Petersen-Clausen / Getty
Des nuages épais émanent d’une centrale au charbon à Baishan, dans la province de Jilin, en Chine. ©Getty - Christian Petersen-Clausen / Getty
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Malgré l'enjeu climatique, la consommation mondiale de charbon est repartie à la hausse, selon l'Agence Internationale de l'énergie. Les plus gros producteurs et consommateurs se trouvent en Asie. En Europe, de nombreux pays se sont engagés à renoncer aux centrales à charbon, mais pas l'Allemagne...

Avec

Comment s'explique aujourd'hui cette consommation et ce non renoncement au charbon? Quels sont les enjeux et quel est l'impact sur les populations? Les énergies renouvelables sont-elles compétitives pour tous?

Patrice Geoffron, professeur d’économie, directeur du CGEMP de l’université Paris Dauphine. Il a notamment publié avec Jean-Marie Chevalier, Les nouvelles guerres de l'énergie : bataille pour le climat, frictions géopolitiques, Etats déstabilisés par la baisse des prix du pétrole... : les raisons d'une situation explosive chez Eyrolles en 2017

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Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement, chercheur au CNRS, il a publié L'Apocalypse joyeuse au Seuil, en 2012 et il a co-publié avec Christophe Bonneuil, L'événement anthropocène : la Terre, l'histoire et nous (en points Seuil, en 2016)

Par téléphone depuis Nancy, Michel Deshaies, géographe, professeur à l’Université de Lorraine. Il a publié Atlas de l'Allemagne, Les contrastes d’une puissance en mutation, Autrement, en 2013 (nouvelle édition en 2019).

Par téléphone, Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri, Institut du Développement Durable et des Relations Internationales. Sur le site de **l ’IDDRI,**de nombreuses publications et les rapports liés à la COP 24. Elle a publié avec David Levaï, le billet, " Déclaration de Silésie sur la transition juste - La transition doit s’accélérer et permettre d’anticiper des reconversions nécessaires".

L'Asie concentre les trois quarts de la consommation de charbon à l’échelle planétaire

La chronique d'Eric Chol, Directeur de la rédaction de Courrier International

Sur l’ile de Bornéo, l’exploitation du charbon s’est transformé en enfer pour les habitants. 

On connaît Bornéo pour ses plages, sa beauté sauvage, ses forêts tropicales.  Mais sur cette ile  située dans l’archipel malais et partagée entre plusieurs états, une partie des habitants  vivent un enfer quotidien depuis que plusieurs sociétés minières ont débarqué dans la partie indonésienne de l’ile. Des journalistes du magazine Kompas se son rendus sur place, et ils ont constaté à quel point l’extraction intensive du charbon pèse sur l’environnement mais aussi sur la santé des habitants. Dans la région de Kaimantan Est, la poussière noire du charbon se propage partout. 

« Les particules ne se contentent pas de s’introduire dans les maisons, écrit Kompass, elles pénètrent aussi les voies respiratoires des villageois ». 

Au point que dans cette province, la tuberculose est la maladie la plus répandue depuis 2014, et qu’elle est en augmentation constante, indiquent les statistiques du département de santé : 4034 cas recensés en 2017, sans parler des pneumonies. 

L’autre grande grand fléau provoqué par l’extraction du charbon, c’est le déboisement, synonyme  d’inondation et de glissements de terrains. Le 29 novembre dernier, cinq maisons de Jawa ont été emportées et la route principale de cette région a été totalement coupée, racontent les journalistes. 

Or ce village est situé à promixité des mines de charbon. Un peu plus loin, poursuit l’article de Kompas, le village de Mulawarman est  quant à lui littéralement avalé par les mines de charbon. 

« Nombreux sont les habitants qui ont quitté leurs maisons et les ont vendues aux compagnies minières pour aller vivre ailleurs. Car l’exploitation du charbon a détruit leur environnement, pollué les sources d’eau et dévoré pratiquement toutes leurs terres cultivables. Ils ne supportent plus non plus les explosions assourdissantes dans les mines alentour », écrivent les reporters indonésiens. 

Sans parler des mines illégales, de celles qui sont laissées à l’abandon et qui provoquent des accidents régulièrement. Le gouvernement et les compagnies minières sont accusés de négligence, mais l’exploitation massive de l’or noir de Kalimantan-Est se poursuit. 

Au point, concluent les journalistes, que "cette région surnommée en langue kutai “Bumi Etam” (ce qui signifie “notre terre”) va devenir elle aussi une terre de désastres".

L'énergie au charbon est encore très répandue en Asie. 

Un article récent du New York Times rappelle que l’Asie, où vit un habitant sur deux de la planète, concentre les trois quarts de la consommation de charbon à l’échelle planétaire. Et cette addiction au charbon n’est pas prête de cesser, puisque on y recense par exemple 1 200 centrales à charbon en cours de construction ou à l’état de projet, que ce soit en Indonésie, mais aussi au Vietnam, ou au Japon, revenu au charbon depuis la catastrophe de Fukushima. 

Mais évidemment, le vrai moteur à charbon s’appelle la Chine. Et là, les chiffres font peur, comme le reconnaît Carlos Fernandez Alvarez, un analyste à l’Agence internationale de l’énergie, reconnaît lui même interviewé par le New York Times

« J’ai dû refaire le calcul trois fois. Je croyais qu’il s’agissait d’une erreur », explique-t-il. 

En résumé, la Chine représente à elle seule la moitié de la consommation mondiale de charbon, une industrie qui fait travailler 4,3 millions de Chinois. Et le déclin du charbon n’est pas d’actualité : 

« depuis 2002,  nous dit le New York Times, la Chine a ajouté l’équivalent de 40 % de la capacité mondiale de production du charbon. »

Et la Chine déploie son savoir-faire dans le charbon bien au delà de ses frontières, puisqu’elle construit des centrales dans 17 pays actuellement, essentiellement en Asie. Autant dire qu’on est encore très loin de l’abandon du charbon. 

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