L'histoire du trou (un peu) rebouché dans la couche d'ozone

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L'histoire du trou (un peu) rebouché dans la couche d'ozone

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Un trou dans les nuages ?
Un trou dans les nuages ?
© Getty - Don Farrall

Le fameux "trou" dans la couche d'ozone a diminué de 20% depuis 2005. Un heureux résultat dû à l'adoption de mesures concrètes et à la mobilisation mondiale autour de ce sujet ! Retour sur une "succes-story" environnementale, alors que s'est ouverte la COP24 en Pologne.

Véritable bouclier gazeux situé entre 20 et 50 km au dessus du sol, la couche d'ozone nous protège du rayonnement solaire en absorbant les ultraviolets... nous évitant cancers de la peau, problèmes oculaires, et autres dégâts immunitaires. L’image du “trou” la déchirant au-dessus de l'Antarctique a hanté les années 1980/1990 ; mais depuis les années 2000, celui-ci s’est réduit de 4 millions de km² suite à l’adoption du Protocole de Montréal en 1987, plusieurs fois amendé, qui permit l'interdiction des chlorofluorocarbures, principaux responsables du désastre. Retour sur l’histoire du trou (quasi résorbé) dans la couche d’ozone, et celle du Protocole de Montréal : un modèle de gouvernance mondiale en matière d’écologie, inspirant à l'heure de la COP24 !

Réfrigérateurs, climatisateurs, aérosols... les grands responsables

La Méthode scientifique
57 min

Dans les années 1950, avec la démocratisation des appareils ménagers dits "froids" (réfrigérateurs, climatiseurs...) et le développement des sprays en bombe, on assiste à l’explosion de l'utilisation des chlorofluorocarbures (appelés CFC car ces gaz organiques sont composés de chlore, carbone et fluor). Trente-cinq ans plus tard, au milieu des années 80, des travaux scientifiques cherchent à évaluer leur impact sur l'environnement, et plus précisément sur l'ozone stratosphérique. Le géophysicien britannique Joseph Charles Farman et ses collaborateurs de la station de Halley Bay, en Antarctique, révèlent une réduction drastique de l'ozone printanière au niveau du pôle Sud : un trou de la taille de l'Europe. En novembre 1987, sur France Culture, Patrick Aimedieu, du laboratoire d'aéronomie du CNRS, revenait sur les facteurs de cette réduction au micro de Stéphane Deligeorges :

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Il ne faut pas jouer avec notre atmosphère. Si par hasard il y a des mécanismes naturels qui la polluent, tels que des volcans, des cataclysmes astrophysiques, comme des passages dans des nuages de poussière, [...] là on ne peut rien. Mais il ne s'agit pas d'en rajouter. Et malheureusement, pour vivre, on est obligé d'en rajouter, l'homme a besoin de chaleur. [...] Il fait de la combustion à partir de produits carbonés. Il a fabriqué des réfrigérateurs qui lui permettent de créer des équilibres. [...] Mais réfrigérateurs veut dire produits tels que les chlorofluorocarbones. Et puis on veut manger, donc on veut tirer le maximum des terres, donc on met des engrais azotés qui produisent des oxydes d'azote qui vont eux aussi se répandre dans l'atmosphère, la stratosphère...

La couche d'ozone_Archipel sciences, 03/11/1987

59 min

Une mobilisation rapide, et planétaire

Face au spectre d'une déchirure dans la couche d'ozone, la planète entière se mobilise dans des délais records. En 1985, première étape : la Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone reconnaît la nécessité d’accroître la coopération internationale pour limiter les risques liées aux activités humaines. 

Deux ans plus tard, plus de vingt-quatre pays se réunissent pour établir le Protocole de Montréal, qui statue sur des mesures à prendre pour enrayer la catastrophe anthropique. Le but initial est de réduire la production de CFC de moins 30 % à l'horizon 2000, un chiffre discuté pied-à-pied par les experts et les représentants de l'industrie, et que commentait Patrick Aimedieu dans cette même émission :

Ce chiffre représente une valeur raisonnable, qui fait l'unanimité dans un premier temps... Bien entendu, l'idéal serait la suppression totale de ces produits, comme le demandent beaucoup d'écologistes. Mais la grande question est : par quoi les remplacer ? [...] Quand on regarde la façon dont les choses ont été préparées et signées, on voit que c'est complexe : il y a des pays qui signent sans signer, d'autres qui sont un peu dispensés comme les pays du Tiers-monde par exemple, mais pas seulement, à qui on laisse une certaine marge. A l'intérieur des pays industriels, on voit des traitements qui ne sont pas à l'avantage des pays d'Europe par rapport au monde américain... [...] Il y a des tractations, des accords, c'est un jeu extrêmement délicat...

Finalement, le Protocole de Montréal optera pour un bannissement total des CFC, qui disparaissent officiellement en 2009 - même si Pékin est soupçonné de toujours en produire de façon clandestine.

Au fil des années, les pays signataires du protocole de Montréal sont passés de 24 en 1989, à 196 vingt ans plus tard ! Celui-ci devient ainsi le premier protocole environnemental à atteindre la ratification universelle. Il est à ce jour considéré comme le plus efficace de l'histoire en matière d'environnement, du fait, il faut aussi le souligner, qu'il ne concerne que la seule industrie chimique et n'engage pas toute la production énergétique.

Le Protocole de Montréal est renforcé à huit reprises, et on ajoute des produits à la liste des substances à prohiber, comme le bromure de méthyle en 1995 (fongicide utilisé dans la production fruitière) ou encore, pour les pays occidentaux, les hydrochlorofluorocarbures en 1996 (HCFC), utilisés eux aussi dans les réfrigérateurs et les aérosols et dont on espère la disparition complète d'ici 2030. 

De cause à effets, le magazine de l'environnement
58 min

Par quoi remplacer les supergaz à effet de serre ?

Quid des produits de substitution ? Un peu moins offensifs pour la couche d'ozone, et possédant une meilleure efficacité énergétique, ce sont les hydrofluorocarbures (HFC) qui ont remplacé les CFC dans les systèmes de réfrigération et les aérosols dans les années 1990 ; le revers de la médaille étant que ces produits contribuent malgré tout à renforcer l'effet de serre... Signé en octobre 2016, l'amendement de Kigali prévoit la réduction des HFC de 80-85% à l'horizon 2047 pour tous les pays signataires (l'échéance pour les "vieux" pays industrialisés étant fixée à 2036). Car l'une des raisons du succès du Protocole de Montréal réside aussi dans son souci de souplesse (en terme de délais et de mesures) à l'égard des pays en voie d'industrialisation, à qui l'on cherche à faciliter l'accès aux produits de substitution, comme le soulignait Radio Canada dans un article de septembre 2017 :

L'entente prévoyait que les nouveaux produits et les nouvelles technologies allaient être transférés vers les pays en voie de développement, afin que ces derniers suppriment aussi les gaz visés. C'est la mesure qui a convaincu tous les pays de la planète, riches comme pauvres, de ratifier le protocole de Montréal.

D'après le gouvernement, cet amendement devrait permettre d’"éviter environ 72 milliards de tonnes équivalent CO2 d’ici 2050 et une augmentation des températures de près de 0,5°C due aux hydrofluorocarbures d’ici 2100."

Dès lors, ce sont les hydrofluoroléfines (HFO) qui pourraient constituer la quatrième génération de fluides frigorigènes : grâce à leurs molécules de synthèse, ils se dégradent plus rapidement dans l’atmosphère, sans engendrer d'effet de serre nocif.

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Les signataires du protocole de Montréal continuent de se réunir tous les ans pour réfléchir aux nouvelles mesures à adopter. Grâce à ces dernières, selon les estimations, la couche d'ozone s'est reconstituée à un rythme de 1 à 3% par décennie. Les dégâts dans l'hémisphère Nord et les latitudes moyennes ne pourraient être plus qu'un mauvais souvenir en 2030, si les efforts se maintiennent ; il faudra cependant attendre 2060-2070 pour que le fameux trou ait totalement disparu en Antarctique.