Christianisme

Le rapport des hommes aux animaux dans le christianisme s'enracine dans le Livre de la Genèse. Selon le premier récit de la création, Dieu crée d'abord les animaux, avant la venue du premier des êtres vivants, l'homme. Tous, à l'exception des plantes, reçoivent une bénédiction: « Une parole du Seigneur, et non pas une entrée en dialogue », précise Pierre de Martin de Viviés, prêtre du diocèse de Lyon et docteur en histoire des religions et anthropologie religieuse (1). À la différence des animaux, l'homme, lui, est créé « à l'image et à la ressemblance de Dieu ». « Il ne s'agit pas de ressemblance anthropomorphique mais d'une capacité à agir comme Dieu. Cette spécificité, ontologiquement, sépare l'homme des animaux », explique Pierre de Martin de Viviés. Si l'homme et l'animal sont pétris de la même glaise, ce qui les distingue, c'est le souffle de Dieu mis dans la gorge des hommes pour qu'ils parlent. La première parole de l'homme est pour nommer l'animal et ainsi entretenir une relation avec lui.

Le deuxième récit de la création (Gn 2, 4) propose une organisation inverse: l'homme, première créature de Dieu, est placé au milieu d'une terre vide. Puis Dieu crée les animaux. Comme dans le récit précédent, l'homme, doté d'un statut particulier dans la création, a une mission mais ne peut l'accomplir seul. Les animaux sont là pour l'aider. Dans le texte de la Genèse, hommes et animaux sont végétariens, évitant tout conflit entre eux. L'épisode du Déluge va marquer un tournant: les animaux vont payer le prix du dévoiement des hommes (Gn 6, 13); seul un couple de chaque espèce sera sauvé (hommes et animaux). Dieu instaure ensuite une Alliance avec Noé et les animaux ayant trouvé refuge dans l'arche. Puis, il accorde aux hommes de manger une alimentation carnée (Gn 9, 3). Mais, devenu le maître des animaux, l'homme doit aussi les protéger: Il doit les décharger des fardeaux excessifs (Exode 23, 5) et leur donner une part des revenus de leur travail, les nourrir (Deutéronome 25, 4). Avec l'Alliance, le rapport homme-animal change, il sous-tend une domination humaine.

Judaïsme

Pour les juifs, l'ensemble de la création représente une harmonie et les animaux font partie de ce décor dans lequel l'homme est placé pour accomplir la volonté divine. « La Genèse affirme la domination humaine sur les animaux (Gn 1, 26), l'homme est le gestionnaire de l'univers. Il ne peut pas être un prédateur pour la nature et les animaux », explique le rabbin Philippe Haddad.

Comme pour le christianisme, le déluge marque un tournant dans les rapports homme-animal. L'homme devient carnivore et Dieu avalise cette violence sur l'animal. « Il vaut mieux que les hommes se respectent en mangeant de la viande animale plutôt qu'ils s'entre-dévorent », analyse Philippe Haddad. Mais Noé reçoit aussi un code de commandement (le Talmud), dont l'avant-dernière loi interdit de faire souffrir un animal ou de consommer sa chair s'il n'est pas encore mort. Le repos hebdomadaire est prévu pour l'homme comme pour l'animal: « Six jours tu travailleras… mais le septième jour est shabbat… tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton bétail » (Exode 20, 10).

Dans le Talmud, l'interdit du sang passe par l'abattage rituel (shehita) qui vide l'animal de son sang et par la cachérisation, laver la viande et la recouvrir de sel pour absorber le sang résiduel. Les juifs considèrent que l'abattage rituel ne fait pas souffrir l'animal. Mais la façon de tuer doit suivre un protocole, dicté par la tradition orale. Cet abattage concerne les animaux terrestres et les volatiles. Les poissons meurent par asphyxie.

« Manger cacher est une discipline religieuse du peuple juif qui accepte le principe d'une révélation et se soumet à la loi de Dieu », explique Philippe Haddad. Pourquoi ce rituel? « L'homme exerce un pouvoir sur l'animal qu'il exécute pour le manger. Cela lui donne l'énergie d'établir le sanctuaire de Dieu ici-bas. La consommation de l'animal remplace le sacrifice dans le Temple. Un rituel hébreu que l'on interprète comme une manière de sacrifier son animalité et d'humaniser son comportement. »

Islam

« Nous sommes la première génération à se pencher sur la question des animaux dans l'islam, témoigne Malek Chebel, anthropologue des religions et philosophe (2). Les animaux sont considérés comme mineurs dans la représentation du vivant dans l'islam. Pour envisager cette question, il faut considérer les animaux un par un, décrypter le contexte dans lequel ils sont présentés dans le Coran. » On y recense 17 espèces animales. De nombreuses sourates portent leurs noms. La vache (sourate 2, al-baqara), l'abeille (sourate 16, an-nahl)…

Mais ces références ne doivent pas faire illusion, les animaux ne jouent pas un rôle primordial dans ce livre sacré. Les mammifères les plus souvent évoqués sont ceux qui vivent en troupeau et sont domestiqués. Sont aussi mentionnés, l'âne, le loup, les oiseaux… et l'éléphant, associé à l'attaque éthiopienne contre La Mecque, en 570 environ, année de la naissance de Mohammed. Malek Chebel note que « le mouton ne figure pas dans le Coran alors qu'il est consommé par les musulmans ».

Dans l'islam, la création de la vie animale répond à la volonté divine de donner à l'homme les moyens de satisfaire ses besoins: alimentaires, transports, ornements… Selon le dictionnaire du Coran, la soumission des animaux à l'homme est le résultat d'une décision divine (22, 66; 45, 13).

Les animaux de mauvais augure sont le porc (impur), l'autruche, les bovins, le chameau, le chien (hormis le chien de chasse), le corbeau.

Le discernement est obligatoire dans la mise à mort d'un animal par un musulman. Il peut tuer un mouton s'il a faim, mais il ne doit pas tuer l'abeille ou la fourmi. De plus, tuer doit se faire selon un rituel précis (couché sur le flanc gauche, tourné vers La Mecque), rapidement, pour atténuer la souffrance. Selon Mohammed Hocine Benkheira, anthropologue et spécialiste du droit musulman, « dans l'immolation rituelle, il s'agit d'une mort artificielle, construite, instituée, seule valable pour que la viande soit licite (halâl). La mise à mort devient alors une appropriation, une humanisation. »