Testée positive au Covid-19 : ma vie en quarantaine

TÉMOIGNAGE. PierFrancesca Graviani, contaminée par le coronavirus fin février, raconte son parcours à l'hôpital puis son confinement à domicile.

Propos recueillis par

Placés en quarantaine chez eux, les patients testés positifs au Covid-19 et dont le cas n'est pas préoccupant se posent de nombreuses questions. 

Placés en quarantaine chez eux, les patients testés positifs au Covid-19 et dont le cas n'est pas préoccupant se posent de nombreuses questions. 

© Robin Utrecht / SOPA Images/Sipa/SIPA / Sipa USA / Robin Utrecht / SOPA Images/Sipa

Temps de lecture : 10 min

PierFrancesca Graviani, journaliste indépendante, a été testée positive au Covid-19 après un week-end passé avec sa famille dans le nord de l'Italie. Hospitalisée à Bichat à Paris, puis placée en quarantaine à son domicile parisien pour une durée indéterminée, elle raconte au Point son vécu, son quotidien et ses interrogations.

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Le Point : À quelle occasion avez-vous été testée positive au Covid-19 ?

PierFrancesca Graviani : J'ai passé un week-end, à Piacenza, dans ma famille, en Italie, juste au moment où a été enregistré le premier cas à Codogno chez un homme de 38 ans qui a été hospitalisé. Je suis restée trois jours et je suis rentrée le dimanche 23 février à Paris. Dès le départ, étant indépendante et ayant la possibilité de travailler de chez moi, je me suis placée, par précaution, en autoconfinement. Après quoi j'ai commencé à avoir de la fièvre dès le 25 au soir. Ce n'était pas une forte fièvre, de l'ordre de 38-38,5. Le 26, celle-ci étant montée à 39, j'ai décidé d'appeler mon médecin traitant, qui, compte tenu des circonstances, m'a demandé d'appeler le 15. C'était le tout début de l'épidémie. J'ai attendu une demi-matinée pour avoir un médecin du Samu, par téléphone, qui m'a dit qu'il allait se renseigner auprès de l'hôpital. Il a alors évoqué deux possibilités : soit ils vont vous demander de rester chez vous et de prendre du paracétamol, soit ils vont vous faire un test. J'ai eu la réponse peu de temps après et ils m'ont fait faire un test en fin de semaine, le samedi 28 mars, qui s'est révélé positif.

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Comment le test s'est-il déroulé ?

Je pensais qu'ils allaient faire ça chez moi, mais j'ai dû me rendre à l'hôpital par mes propres moyens. Là, après un premier examen classique (température, tension, saturation en oxygène, fréquence cardiaque), le test a consisté à introduire une tige assez profondément dans mon nez, dans les deux narines, pour faire le prélèvement. C'est d'ailleurs très désagréable et ça peut même faire mal. Après quoi ils mettent ça dans un tube et l'envoient à l'analyse. Il était 8 h 30. On m'avait dit que ce serait long. Mon mari, qui m'avait accompagnée jusque-là, pensait lui aussi être testé, mais cela n'a pas été le cas car il n'avait pas de symptômes. Nous sommes rentrés chez nous.

Que s'est-il passé ensuite ?

J'ai finalement eu le résultat le soir même vers 19 h 30-20 heures. Ils m'ont alors dit : « On va vous envoyer une ambulance qui va venir vous chercher et vous emmener à l'hôpital Bichat afin que vous soyez placée sous surveillance. » Elle est arrivée à 2 h 30 du matin. Je ne savais ni combien de temps j'allais être hospitalisée ni dans quelles conditions…

Quels ont été vos symptômes et dans quel ordre d'apparition ?

Je n'ai eu véritablement qu'un seul symptôme : la fièvre, avec un maximum de 39,5. Elle est venue comme ça, je n'ai eu aucun signe avant. J'ai juste eu un peu mal à la gorge lors de mon hospitalisation, mais je ne sais pas si c'était dû au virus ou pas. Et, depuis le 2 mars, j'ai un peu perdu le sens du goût et de l'odorat. J'en ai parlé aux médecins qui me suivent, ils disent que ça peut être lié mais qu'ils ne savent pas encore. En revanche, mes amis en Italie me disent que, pour les médecins italiens, c'est effectivement une des conséquences du virus. Cela dit, je n'ai pas encore pu moi-même poser la question à un médecin italien…

Avez-vous connaissance de la manière dont vous avez été contaminée ?

Absolument pas. J'ai déclenché des symptômes très rapidement après mon retour d'Italie. Il est loin de s'être écoulé quatorze jours. Je ne sais pas du tout où, quand et comment j'ai pu l'attraper. D'autant que toutes les personnes que j'ai côtoyées en Italie vont bien. Certaines ont passé des tests qui se sont révélés négatifs, d'autres n'ont pas eu besoin de le faire car elles n'ont eu aucun symptôme. Or elles ne vont pas aller à l'hôpital et risquer d'être contaminées pour faire ce test. Cela d'autant plus qu'elles sont tous confinées à la maison depuis déjà un bon moment. De même, en France, aucune personne que j'ai vue avant de me savoir positive n'a encore été malade, si ce n'est une qui a été testée négative. Je n'ai donc a priori contaminé personne, mais je ne sais pas non plus comment je me suis retrouvée contaminée : peut-être à l'aéroport ou dans l'avion du retour, qui était bondé, fin de Fashion Week oblige. Pour mes médecins, il est impossible de remonter, donc ils ne vont pas « perdre de temps » avec ça.

Il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de traitement, les médecins n'avaient rien de plus à me donner.

Dans quelles conditions votre hospitalisation s'est-elle déroulée ?

Là, c'est un peu la découverte pour tout le monde. Pour moi, parce qu'évidemment je n'ai jamais été hospitalisée à l'hôpital Bichat auparavant et encore moins dans un service maladies tropicales et infectieuses. Une infirmière m'accueille, elle m'emmène dans ma chambre. C'est une chambre toute simple, mais avec une porte destinée à être fermée pratiquement tout le temps. Les draps sont en papier, les serviettes de la salle de bains sont en papier, devant être jetés après usage. Les contacts avec l'extérieur sont vraiment limités au maximum. Les infirmières viennent prendre mes constantes deux fois par jour. Les médecins me visitent également deux fois par jour pour me demander comment je vais, mais ils essaient de ne pas me toucher. Les infirmières, elles, n'ont pas vraiment le choix, mais tous sont complètement équipés : lunettes, gants, masque, combinaison. Et si, les premiers jours, cela n'a pas été le cas, rapidement ils ont dû à chaque fois, avant de sortir de ma chambre, jeter tout ce qu'ils avaient sur eux. Quant aux repas, trois fois par jour, ils nous étaient passés rapidement par la porte, sans plateau, juste le strict nécessaire. Et, évidemment, s'il y avait dedans des choses que l'on ne voulait pas, dès lors qu'elles étaient entrées dans la chambre, elles étaient destinées à être jetées.

En quoi les soins prodigués à l'hôpital ont-ils consisté ?

En plus de la surveillance de mes constantes, on me donnait du paracétamol, le soir, et c'est tout. Bien évidemment, on me demandait comment je me sentais et, si j'avais eu besoin de plus, on m'en aurait redonné. Quand j'ai eu mal à la gorge, j'ai demandé du miel et on m'a dit non : tout ce que l'on peut vous donner, c'est un sirop, mais il contient de la codéine. Alors, j'ai dit non. Mais il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de traitement, ils n'avaient rien de plus à me donner.

Combien de temps êtes-vous restée à l'hôpital et qu'est-ce qui a décidé les médecins à vous laisser rentrer chez vous ?

Au final, ils m'ont gardé du 28 février au 2 mars. Les places réservées aux patients atteints par le Covid-19 étaient, à l'époque, très limitées. De mémoire, dans le service, il y en avait onze. Je n'avais plus de symptômes et de nouveaux cas plus sévères commençaient à arriver. Mon état, lui, n'a jamais été considéré comme préoccupant. Ils se sont tout de même assurés qu'il n'y ait ni enfant ni personne âgée à mon domicile et je suis donc rentrée chez moi avec toute une feuille de consignes à respecter. La première était évidemment de ne surtout pas sortir de mon appartement.

Qu'en est-il de votre mari ?

Nous avons demandé trois fois à ce que mon mari soit testé, mais je pense qu'ils essaient d'économiser les tests. Il est cependant soumis au même régime que s'il était positif puisque, dès que j'ai été diagnostiquée, on lui a demandé de ne plus sortir de chez nous et de ne pas entrer en contact avec d'autres personnes. Mais nous restons dans le doute : nous ne savons pas du tout s'il l'a, s'il l'a eu ou s'il ne l'a pas… D'autant qu'ils parlent de quatorze jours, mais j'ai refait un second test après quatorze jours et il était toujours positif. Chose qui a d'ailleurs surpris mes médecins. La question que nous nous posons avec mon mari et dont nous n'avons pas la réponse, c'est : si on se le repasse – car nous respectons les consignes mais nous vivons sous le même toit et cela reste très compliqué –, que va-t-il se passer ?

Quelle est votre feuille de route à domicile ?

Ma feuille de route est très précise, mais, avec toute la bonne volonté du monde, c'est parfois difficile de la respecter. Il faut rester confiné, idéalement chacun dans une pièce différente. Évidemment pas de bisous ni de câlins, nous évitons tout contact. Quand nous sommes dans la même pièce, il nous faut porter un masque – d'abord la consigne était seulement pour moi mais maintenant elle est pour les deux. Et, par exemple, moi, je n'ai pas le droit d'aller dans la cuisine. Je ne dois pas toucher tout ce qui est aliment. Les premières choses dont je vous ai parlé, nous arrivons à les respecter, même si ce n'est pas toujours facile vu la taille de l'appartement. Mon mari vit dans la cuisine, où il prépare à manger et travaille. Pour les repas, nous mangeons ensemble, chacun à un bout de la table. On nous a demandé de ne pas toucher les couverts de l'un et de l'autre, mais, n'ayant pas accès à la cuisine, il faut bien qu'il me passe les couverts pour que je les mette à table. Bref, on essaie de faire du mieux qu'on peut… On se lave les mains très souvent, même à la maison. S'il m'arrive d'éternuer ou de tousser, c'est dans un mouchoir que je jette immédiatement et je me lave aussitôt les mains. Nous devons aussi aérer régulièrement le domicile et, pour moi, c'est la moitié de la journée car c'est, depuis plus de quinze jours, la seule manière que j'ai de respirer un peu d'air frais (rires).

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Et, pour les courses, comment faites-vous ?

On a la chance qu'une partie de la famille de mon mari vit à Paris. Ils nous ont déposé tout ce qu'il fallait la semaine dernière. Après, on a des conserves, mais là on commence à se poser la question… Pour ma part, je dois toujours rester à la maison, mais l'arrêt de travail de mon mari se finit et il n'a pas encore de consigne. Il ne sait pas s'il est autorisé à sortir ou pas. On verra…

Avez-vous un numéro de téléphone ou un médecin référent à joindre en cas d'aggravation ?

Oui, j'ai un médecin référent à l'hôpital Bichat, mais ce n'est pas lui que j'ai au téléphone. Quelqu'un m'appelle régulièrement pour faire le point, mais c'est à chaque fois une personne différente. Ils ont l'air d'avoir mis en place comme une sorte de standard pour essayer de suivre les patients placés en quarantaine à domicile, mais, en détail, je ne sais pas vraiment. Le sentiment que j'ai, c'est qu'on essaye de comprendre ensemble. Ils me donnent les informations importantes au fil de l'eau, comme celle de ne pas prendre d'anti-inflammatoire. Leur position n'est pas simple. Le mot d'ordre général est la prudence. Aussi bien par rapport aux risques de contamination que dans le conseil aux malades, auxquels ils ne peuvent recommander aucun traitement car ils ne savent pas encore ce qui pourrait être contre-indiqué lorsque l'on a ce virus.

Comme je sais que je protège d'autres personnes de la contamination, être totalement confinée à la maison ne me pèse pas plus que ça.

Comment vivez-vous cet isolement ?

Je le vis bien, en fait ! Parce que je me considère comme chanceuse, voire très chanceuse, parce que mes symptômes ont été et sont très légers – même si je dois encore être prudente – et aussi parce que je suis à la maison. En effet, même si je suis restée très peu de temps à l'hôpital, c'est quand même plus agréable d'être chez soi. De même, comme je sais que je protège d'autres personnes de la contamination, être totalement confinée à la maison ne me pèse pas plus que ça. J'ai toutes mes affaires, je peux m'occuper, m'inventer des activités…

Y a-t-il quelque chose que vous voulez partager avec nos lecteurs qui, comme vous, se retrouvent confinés chez eux ?

L'essentiel est de rester informé mais de ne pas céder à la panique. Regardez des photos, des vidéos, des films drôles pour essayer de garder le moral parce que je sens déjà que c'est très, très important de rester optimiste et de ne pas sombrer dans le pessimisme ou la dépression. D'autant que la situation peut durer un certain temps – ce qui est déjà le cas pour moi. Vous êtes à la maison, vous avez le téléphone, restez en contact avec vos proches et avec vos amis – ça m'aide beaucoup. Lisez, écrivez, écoutez de la musique et, si vous n'êtes pas malades, profitez de ceux qui partagent votre foyer. Cela va sans doute être plus compliqué pour les personnes qui vivent seules. J'ai aussi des amis qui sont confinés et qui font du sport à la maison. Certains font des vidéos d'entraînement pour en donner l'idée aux autres. Je ne l'ai pas encore fait, mais je me dis que, si ça continue, je vais peut-être m'y essayer (rires).

Consultez notre dossier Être confiné, sans s'ennuyer

Quand cette quarantaine va-t-elle s'arrêter pour vous ? Quelles sont les conditions ?

J'aimerais bien avoir la réponse ! Même si mon dernier test – le troisième – s'avère négatif (j'attends le résultat), je ne sais pas ce qui va se passer. Si mon mari l'a attrapé et que, moi, je suis négative, est-ce qu'on doit continuer de respecter les consignes ? Vu qu'il n'a pas été testé, on n'en sait rien. C'est pour cela qu'on aimerait qu'il le soit. Mais, quoi qu'il arrive, nous allons nous retrouver soumis aux mêmes mesures de confinement que celles qui sont désormais imposées à tous…

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Commentaires (4)

  • gentopiniamax

    J’ai le coronavirus diagnostiqué par mon médecin non testé car pas à risque et n’ayant à ce jour pas de complications. Je suis étonnée que n’ayant eu que de la fièvre elle a été hospitalisée. Aujourd’hui on n’est plus dans ce luxe

  • papymobile

    L’hopital a fait son boulot et tres bien meme. On peut simplement se poser la question du luxe de securite deployé quand on sait aujourd’hui qu’un professionnel dd sante qui a ete atteint et qui va bien on lui demande dd repartir au travail, alors que là, alors que la personne n’a aucun symptomes et que visiblement son mari non plus ils sont restés confinés. ?
    je pense que l’hopital veut apprendre le plus possible sur la dynamique des tests...
    mais le vrai scandale c’est le manque cruel de masques pour les professionnels de sante, le manque de gel et de thermometre electroniques, du gel dans les mairies mais pas chez les medecins génés ni dans les pharmacies en rupture de stock.
    que dire dans notre structure d’imagerie liberale ou nous faisons le maximum pour proteger nos personnels soignants en raclant les fonds de tiroir des pharmacies locales, de la pharmacie de la clinique et ou nous assumons l’activite des urgences avec parfois des patients suspects de covid + mais qu’on n’a meme pas équipé d’un masque pour faire le scanner thoracique au mépris des personnels !
    oui là on peut être furieux d’avoir un état imprevoyant mais pas pour l’administration en dessous de tout par rapport a ce qui se passe... Et nous sommes dans l’est et il y a des soignants DCD... L’heure des comptes sonnera.

  • Mile-End

    La prise en charge à l’hôpital ne sera que pour les personnes qui vont développer une insuffisance respiratoire grave. Il n’existe pas de traitement contre le Covid-19. On ne soigne que les symptômes (fièvre, toux, etc. ). Donc la prise en charge de cette dame s’est faite dans les règles de l’art. Quand les cas graves vont augmenter, les cas qui développeront peu de symptômes, comme celui de cette dame, ne passeront même pas par l’hôpital.