Cérémonies dans les champs, rituels revisités... face au Covid, la Franc-maçonnerie a dû s’adapter

Très éprouvée par la crise sanitaire, la franc-maçonnerie tente de rebondir avec ici des rituels réinventés, là une émission de radio, tout en s’interrogeant sur la société post-Covid.

Avec une activité suspendue ou réduite, la franc-maçonnerie a été éprouvée par la crise sanitaire. (Martin BUREAU / AFP)
Avec une activité suspendue ou réduite, la franc-maçonnerie a été éprouvée par la crise sanitaire. (Martin BUREAU / AFP)

    Trois confinements dont un avec fermeture totale des temples et un couvre-feu de plus de six mois. Voilà qui a fortement perturbé la franc-maçonnerie. En tête, les « tenues », ces rencontres rituelles et d’échanges à huis clos entre « frères » et « sœurs » d’une même loge qui sont l’essentiel de la vie maçonnique, qui n’ont pas pu se tenir.

    Depuis le début de la crise du Covid, « les loges maçonniques ont eu une activité contrariée », résume Georges Sérignac, grand maître du Grand Orient de France (GODF), principale obédience. Implantée en France depuis le XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie rassemble quelque 160 000 membres, qui, par une démarche initiatique, aspirent à « l’amélioration de l’humanité », selon les mots du GODF.



    En fonction des autorisations, certaines loges ne se sont pas réunies du tout. « Les plus âgés, plus fragiles ou plus craintifs ne sont pas venus et craignent toujours de revenir, même après les vaccins », relève Pierre-Marie Adam, grand maître de la Grande Loge de France (GLDF). « Les rituels maçonniques supposent beaucoup d’interactions physiques. C’est donc une activité contaminante » potentiellement, explique de son côté l’historien Roger Dachez, ajoutant que les francs-maçons ont dû « inventer des ’rituels Covid’ ».

    Une cérémonie en plein champ ou sous les étoiles

    À commencer par « la chaîne d’union », ce moment symbolique qui exprime le lien entre francs-maçons avant de démarrer une « tenue ». Habituellement, en ronde, ils se tiennent la main, sans gants. Un rituel désormais revisité : « Nous avons pris une corde, en gardant le mètre de distance », témoigne Laure, 33 ans, au GODF. Dans d’autres loges, certains l’ont mimée, ou ont mis des doubles gants, quand d’autres se sont passé du gel hydroalcoolique avant et après.

    Autre changement, certaines tenues ont pu se tenir hors du temple. « En septembre, nous avons fait une cérémonie dans un champ », confie William Bres, maçon à la Grande loge mixte de France. Lui a également programmé pour cet été « une tenue en forêt, en pleine nuit, dans les Cévennes, sous la voûte étoilée ». Plus difficile à réinventer : les « agapes », la collation prise à l’issue d’une tenue, ont pour beaucoup été supprimées. De même, les « initiations », ces cérémonies lors de laquelle un nouveau franc-maçon est accueilli, ont pour partie été stoppées.

    Conséquence de la crise sanitaire, les effectifs, en hausse ces dernières années, diminuent en 2020. Ainsi, la Grande Loge de France qui compte 34 000 membres, recense une perte 600 personnes, en raison du retard d’initiations. « Avec la fin des aides financières, on est en droit de craindre une désertion plus massive d’une certaine proportion de francs-maçons dans les prochaines années », met en garde Roger Dachez. À cela s’ajoutent des décès dus au Covid parmi les plus âgés, la pyramide des âges étant assez supérieure à 50 ans en franc-maçonnerie.

    « À distance, ce n’est pas de la pensée franc-maçonne »

    Si la visioconférence a permis de maintenir le lien, Georges Sérignac est catégorique : « à distance, ce n’est pas de la pensée franc-maçonne ». C’est plutôt « un cercle philosophique, citoyen, ou politique ». Un autre outil a encore permis de continuer le travail : le lancement d’une émission hebdomadaire, « Pierres de touche », sur Radio Delta, une webradio maçonnique. Chroniques, débats : 53 émissions ont été diffusées à ce jour.

    Car loin de freiner les esprits, la société post-Covid anime désormais plusieurs obédiences. Le Grand Orient de France a produit un Livre blanc (« Après ») sur de nombreux sujets allant de la « dette Covid » aux « libertés individuelles et collectives ».