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Moins de morts en Allemagne, mais pour combien de temps?

Le pays compte actuellement moins de morts que ses voisins, grâce notamment à des tests plus nombreux. Il assure toutefois se préparer à la vague

Dépistage à Munich, le 23 mars 2020. — © Andreas Gebert/Reuters
Dépistage à Munich, le 23 mars 2020. — © Andreas Gebert/Reuters

Pourquoi l’Allemagne, cinquième pays le plus touché au monde en nombre de malades atteints par le Covid-19, compte-t-elle proportionnellement moins de morts que ses voisins? Selon l’Université Johns-Hopkins, elle en compte 4 pour 1000 malades contre 92 en Italie et 13 en Suisse. Hier, selon cette même université, l’Allemagne comptait 26 200 cas avérés et 111 décès.

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Interrogé sur cette particularité allemande, Christian Drosten, chef du service de virologie à l’hôpital de la Charité de Berlin, évoque une prise en charge très en amont des malades et de leur entourage, ayant permis aux soignants de gagner du temps face au virus. Il met ainsi en avant la «réactivité des très nombreux laboratoires médicaux privés» qui ont commencé à tester dès l’apparition des premiers cas, fin janvier. S’il n’existe aucun chiffre sur le nombre total de tests déjà réalisés, l’Institut sanitaire Robert Koch estime que le pays peut en effectuer jusqu’à 160 000 par semaine alors que l’Italie en a réalisé 165 000 au total. La Fédération des médecins allemands de laboratoire évoquait hier des chiffres en hausse constante, avec 40 000 tests effectués quotidiennement ces derniers jours et des laboratoires à la limite de leurs capacités. L’Allemagne tente de prendre exemple sur la Corée du Sud et Hongkong, sans toutefois atteindre leur niveau de dépistage, et facilite les procédures. Ainsi il est de plus en plus facile de se faire tester dans sa voiture afin de limiter le risque d’infection dans les salles d’attente.

Des examens dans les voitures

Cela n’empêche toutefois pas les critiques. De nombreux patients se plaignent de ne pouvoir être testés plus rapidement. Les autorités limitent en effet les tests aux seuls patients présentant des symptômes ou ayant été en contact avec des malades. C’est le cas de la chancelière, Angela Merkel, qui s’est volontairement placée en quarantaine dimanche soir, après avoir été vaccinée vendredi par un médecin testé positif depuis au coronavirus. Elle a passé un premier test qui s’est avéré négatif, a indiqué lundi le porte-parole du gouvernement allemand. D’autres tests devront toutefois être menés dans les prochains jours pour être concluants. En attendant, la chancelière a mené ce lundi son premier Conseil des ministres de chez elle, par liaison téléphonique.

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Il y a quelques jours, un médecin italien, interrogé par la chaîne de télévision Euronews, mettait toutefois en doute les taux de mortalité allemands, arguant de l’absence de tests post mortem systématiques. L’Institut Koch rejette cette critique et minimise la nécessité de réaliser de tels tests. Il estime que la présence ou non du Covid-19 est dans l’extrême majorité des cas déjà confirmée avant la mort.

20% de lits libres

Autre facteur important face à un virus dont la dangerosité augmente avec l’âge, les malades allemands sont en moyenne plus jeunes (47 ans) qu’en Italie (63 ans) pour la bonne raison que nombre d'entre eux ont attrapé la maladie lors de leurs vacances de ski. Par ailleurs, avec 28 000 lits en soins intensifs avec assistance respiratoire – contre 7000 en France, 5000 en Italie et 1000 en Suisse –, hôpitaux et cliniques ont encore une marge de manœuvre importante et ne sont pas encore saturés. La région du Bade-Wurtemberg, pourtant l’une des plus touchées, ne comptait vendredi que 20 malades du coronavirus placés en soins intensifs et faisait état de 20% de lits libres dans ces services. Elle a ainsi pu accueillir ce week-end quelques malades français pour décharger les services hospitaliers alsaciens. La Saxe a fait de même ce lundi avec sept malades italiens.

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Pas de quoi crier victoire néanmoins. Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a confirmé ce lundi doubler le nombre de lits dans les services de soins intensifs pour faire face à la future déferlante. «Nous sommes au début d’une épidémie qui durera plusieurs semaines et plusieurs mois», confirme Lothar Wieler, président de l’Institut Robert Koch, en évoquant une «croissance exponentielle» du nombre de cas outre-Rhin. Si les Allemands n’appliquent pas les mesures de distanciation sociale énoncées par les autorités, le pays pourrait compter 10 millions de malades d’ici deux à trois mois. Une perspective potentiellement dramatique dans un pays dont 25% de la population a plus de 60 ans et est donc considérée à risque.