Chronique «L'âge bête»

Peste porcine  : la Chine accusée d’enterrer vivants des cochons infectés

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L’épidémie de peste porcine africaine s’étend en Asie et touchait en août 5 millions de bêtes et une demi-douzaine de pays.
par Sarah Finger
publié le 29 septembre 2019 à 16h20

Les photos ou vidéos mises en ligne par de rares témoins, et diffusées par des médias étrangers, donnent la nausée. Certaines montrent une longue file de camions cabossés dans lesquels s’entassent des centaines de cochons dans des conditions épouvantables ; sur d’autres, on voit des cochons balancés, tels des sacs, dans de profondes fosses tapissées de bâches. Les tractopelles et les énormes tas de terre accumulés autour des fosses ne laissent guère de doute sur le sort qui attend les animaux pris au piège, totalement affolés.

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Même si la prudence s’impose quant à la date et au lieu de tournage de ces documents, plusieurs sources s’accordent à dire que face à la progression de la peste porcine africaine (PPA), qui touche désormais une demi-douzaine de pays d’Asie, certains n’hésitent pas à enterrer vivants les animaux infectés. Parmi les 5 millions de cochons déjà abattus ou morts des suites de cette maladie (chiffre FAO, août 2019), combien ont connu cette mort terrible ? Impossible à savoir. Mais c’est en Chine, où sévit depuis un an ce virus hautement contagieux et mortel pour les cochons et les sangliers, que cette pratique serait la plus répandue. Il faut dire que la Chine, premier producteur et consommateur de porcs au monde, compte la bagatelle de 26 millions de porcheries. Si la plupart sont de taille modeste, d’autres, véritables HLM à élevage, comprennent plusieurs étages, chaque niveau abritant jusqu’à un millier de porcs.

«Cet événement n’a pas de précédent»

En avril, Annie Schreijer-Pierik, députée européenne néerlandaise et membre de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire, interpellait ses collègues pour dénoncer l’enterrement de porcs vivants en Chine, ajoutant que des témoins avaient même vu des animaux brûlés vifs. La députée précisait que le virus étant capable de survivre dans les tissus des animaux morts, ces «enterrements» posaient de sérieuses questions sanitaires. Si elle n’est pas transmissible à l’homme, la PPA s’avère en effet très résistante dans l’environnement comme dans les produits à base de viande de porc.

«Les pays d'Asie ont une bonne expérience de l'abattage massif de volailles, suite à l'épidémie du virus H5N1, mais "traiter" des cochons s'avère beaucoup plus complexe. La logistique devient plus militaire, témoigne un chercheur de la FAO qui préfère garder l'anonymat. J'ai parlé à de nombreux experts et tous considèrent que cet événement n'a pas de précédent.»

L'ampleur de cette épidémie dans le monde animal semble en effet inédite, d'autant que le virus n'est actuellement contré par aucun traitement ni vaccin. Mais pour Nicolas Treich, directeur de recherches à l'INRA, les moyens employés pour la juguler sont injustifiables : «Il s'agit probablement là d'une des pires conséquences de l'élevage industriel en termes de nombre d'animaux concernés et de souffrance animale. Mais le retour à un élevage paysan apparaît improbable dans un pays comme la Chine qui a récemment industrialisé son agriculture et doit répondre à une demande croissante en viande.»

112 km de clôtures entre la France et la Belgique

L'OIE, l'organisation mondiale de la santé animale (dont la Chine est membre), refuse de confirmer ou d'infirmer les témoignages faisant état de pratiques barbares pour éliminer les porcs malades, se contenant de rappeler leur mise à mort doit être faite «conformément aux principes du bien-être des animaux».

Selon l’OIE, le virus serait présent dans 45 pays et territoires, dont une dizaine dans l’UE. La France, encore indemne, a construit 112 km de clôtures dans les départements frontaliers avec la Belgique, où le virus a été détecté en 2018, afin d’éviter que des cochons et surtout des sangliers malades ne pénètrent sur son territoire.

2019 : pour les Chinois, l’année du cochon. Funestement prémonitoire.

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