Enfants, syndromes inflammatoires et Covid-19 : l'alerte du centre Necker à Paris

  • "Les enfants sont en péril quelques heures".
    "Les enfants sont en péril quelques heures". ILLUSTRATION - UNSPLASH
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Après la Grande-Bretagne, l'alerte est donnée à Paris où de jeunes enfants ont été hospitalisés en réanimation dans un état grave. Ils présentent des symptômes inflammatoires, proches de la maladie de Kawasaki, qui inquiètent le milieu médical à l'approche du déconfinement. Aucun cas mortel n'a été déploré et le nombre de jeunes patients demeure faible.

L'alerte est d'abord venue du Royaume-Uni. Le National Health Service (NHS) a fait état d'une douzaine d'enfants hospitalisés dans un état grave. Pour la plupart positifs au Covid-19, ces jeunes patients présentent une forte fièvre et des inflammations des artères.

"Ce syndrome inflammatoire implique le coeur, les poumons ou l'appareil digestif", explique le docteur Damien Bonnet, coordonnateur du réseau M3C Necker à Paris. "L'état clinique de certains patients rappelle la maladie de Kawasaki" ajoute-t-il. Cette maladie infantile rare se caractérise également par une inflammation des parois des vaisseaux sanguins.

Le centre M3C Necker alerte le monde médical

Après l'Angleterre, l'équipe du Centre de référence malformations cardiaques congénitales complexes Necker à Paris (M3C Necker) tire donc à son tour la sonnette d'alarme. Le docteur Damien Bonnet, chef de service cardiologie congénitale et pédiatrique, a écrit à ses collègues pour partager ses constatations.

"Un nombre croissant d’enfants de tous âges a été hospitalisé dans un contexte d’inflammation multi-systémique associant fréquemment une défaillance circulatoire avec des éléments en faveur d’une myocardite". 

25 cas en région parisienne, 10 à Necker

Vingt-cinq cas ont été hospitalisés en réanimation en région parisienne ces trois dernières semaines et une dizaine dans ce centre spécialisé de l'hôpital Necker. "La présentation clinique est pléomorphe et peut en imposer pour une forme incomplète de la maladie de Kawasaki, ce d’autant que certains ont des dilatations coronaires."

Ils sont en péril quelques heures

Alors que la stratégie nationale de déconfinement a été présentée ce mardi après-midi par Edouard Philippe, l'équipe du M3C Necker s'inquiète de "cet afflux de jeunes patients" en décalage avec la "pandémie en Ile-de-France".

Joint par téléphone, le Dr Damien Bonnet est surpris de la temporalité : "L'épidémie a démarré il y a cinq semaines en Ile-de-France et ces jeunes enfants affluent depuis 15 jours. Il y a eu une hausse depuis vendredi. C'est un phénomène qui nous ennuie. La bonne nouvelle c'est qu'ils s'améliorent très vite. Ils sont en péril quelques heures." 

10 cas en Belgique

Le Dr Bonnet a contacté différents services médicaux en Europe. "Le contact pris avec nos collègues londoniens, espagnols et belges confirme ce problème émergent". Il y a ainsi eu dix cas en Belgique. 

Selon Reuters, dans le nord de l'Italie, l'une des régions les plus durement touchées par la pandémie en cours, des médecins ont fait état d'un nombre anormalement élevé de cas sévères d'une pathologie ressemblant à la maladie de Kawasaki, chez des enfants de moins de neuf ans.

Cette affection dont la cause est inconnue, survenant chez de jeunes enfants et plus fréquente en Asie, se manifeste dans ses formes graves par une inflammation des artères, notamment coronaires, susceptible d'aboutir à un infarctus du myocarde. Pour autant, aucun cas mortel n'a été recensé. Pas même en Angleterre contrairement à ce qui avait été annoncé précédemment à la suite d'une interview du ministre de la Santé Matt Hancock.

Informer les équipes médicales pour recenser les cas

Pour l'équipe du M3C Necker, il est urgent que les équipes médicales soient informées et se concertent pour étudier d'éventuels nouveaux cas. "Il nous paraît d’une importance sanitaire majeure que tous les cas soient recensés même s’ils sont douteux puisque le cadre nosologique est imprécis."

"Les sociétés savantes de pédiatrie et de réanimation ont été informées", explique-t-il encore. "Ces enfants doivent nécessairement voir un cardiologue."

C'est une alerte que nous prenons très au sérieux en France

"C'est une alerte que nous prenons très au sérieux en France, nous lançons un signal, il faut être vigilants", expliquait aussi le professeur Alexandre Belot, rhumatologue et pédiatre à l'hôpital femme mère enfant à Lyon, à notre consoeur de la Dépêche du Midi. 

Si tous les enfants pris en charge ne sont pas positifs au Covid-19, il est fort probable que ces cas soient directement liés à la pandémie actuelle. Les équipes de réanimateurs de cette unité spécialisée de Necker ont averti Santé publique France. 

Le ministre de la Santé britannique Matt Hancock partage ce constat. Cité par Reuters, il explique : "Nous ne sommes pas sûrs à 100 % parce que certaines des personnes qui l'ont contractée n'avaient pas été diagnostiquées (comme contaminées par le SARS-CoV-2-NDLR). Nous faisons donc actuellement beaucoup de recherches, mais c'est quelque chose qui nous inquiète", a-t-il poursuivi.

Pour l'heure, le nombre d'enfants pris en charge avec ces symptômes demeure faible. 

"Il ne faut pas affoler les parents", prévient le docteur Jeziorski du CHU de Montpellier

Au CHU de Montpellier, le docteur Eric Jeziorski, responsable de l'équipe pédiatrie générale, infectiologie, immunologie et immunologie clinique, se veut rassurant : "Ces événements sont rares, pour l'instant, on fait un recueil de données. On n'est absolument pas dans une problématique d'inquiétude de santé", indique-t-il.

"La maladie de Kawasaki est provoquée par un agent infectieux, et peut donc être liée en théorie au coronavirus, mais on n'a aujourd'hui aucun élément en ce sens", précise le pédiatre. Au CHU de Montpellier, il voit environ un cas par mois. Les deux cas qui se sont présentés ce mois-ci font l'objet d'investigations poussées, alors que les tests déjà effectués n'ont pas montré d'infection Covid. Les enfants se portent bien. "Il ne faut pas affoler les parents", conclut le pédiatre.

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Les commentaires (66)
Anonyme172721 Il y a 3 années Le 02/05/2020 à 12:04

Le vrai risque avec la maladie de Kawasaki, ce n'est pas de voir nos enfants perdre la vie, mais c'est le risque des séquelles cérébrales irréversibles . . .
Pour vivre dans la société de demain, nos enfants auront certainement besoin de toutes leur capacités intellectuelles.

Anonyme199695 Il y a 3 années Le 30/04/2020 à 14:17

Mon fils a eu la maladie de kawasaki à 11 mois , par chance lors de son hospitalisation, les médecins ont fait un colloque sur son cas. (à mère enfant à Lyon). Inflammations multiples, cœur, rein, céphalée...
Ils ont donc demandé l'autorisation de faire une perfusion de plusieurs heures.
Je l'ai accepté.
Aujourd'hui il a 9 neuf ans, pas de sequelles..
Peut-être y a t il de l'espoir si demain ce même traitement est administré.
Essayez cela sauvera peut-être également le covid...

Anne-Magalie Il y a 3 années Le 30/04/2020 à 08:49

Bonjour MAX30000 ,

Je suis une indépendante comme beaucoup de mes collègues.
Je publie sans censure et cela est une liberté. Merci pour votre message. Anne-Magalie