Malgré l'épidémie, la vague de défaillances d'entreprise n'a pas eu lieu. Au contraire, les faillites ont chuté de 37 % par rapport à l'année dernière. Un paradoxe expliqué par la mise sous perfusion de l'économie française. Une "bombe à retardement" qui explosera lorsque les aides d'État prendront fin. Pour nombre d'experts, l'année 2021 sera celle de la troisième vague économique, avec une flambée des licenciements. 

On pourrait croire à une bonne nouvelle. Avec 7 465 ouvertures de procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire…), les défaillances d’entreprises ont chuté de 37 % en France entre le 1er septembre et le 30 novembre, selon les données fournies par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC). "Malgré une crise d’ampleur inédite, la vague de défaillances n’a pas encore eu lieu", constate Sophie Jonval, présidente du CNGTC. Mais ces bons chiffres ne signifient pas que les entreprises françaises sont en bonne santé. Au contraire. 
"Les entreprises qui auraient dû déposer le bilan sont aujourd’hui sous perfusion grâce aux aides de l’État et sont maintenues artificiellement en vie", avance Étienne Charbonnel, avocat spécialise des procédures collectives au cabinet Vivaldi Avocat à Lille. "Dans notre cabinet, c’est particulièrement calme. On ne constate même pas une hausse des procédures préventives", remarque le spécialiste. 
"Une bombe économique à retardement"
Et cette mise sous perfusion de l’économie n’est pas près de s’arrêter. Le 14 janvier, à l’annonce du couvre-feu à 18 heures généralisé dans toute la France, Bruno Le Maire a décidé de prolonger le prêt garanti d’État, d’augmenter les aides des fournisseurs de la restauration, de poursuivre le chômage partiel… L’objectif du ministre de l’Économie est de maintenir à flot les entreprises pour que la reprise se passe dans les meilleures conditions quand elle aura lieu. Mais en temps de crise économique, le paradoxe des faibles défaillances pourrait s’avérer dangereux.
"C’est une bombe économique à retardement, la question est : quand est-ce qu’elle va exploser ? Est-ce qu’on n’est pas en train de reculer pour mieux sauter ?", s’interroge Étienne Charbonnel. Selon l’économiste de l’OFCE Bruno Ducoudré, les faillites d’entreprises "vont arriver courant 2021 et elles pourraient causer 200 000 destructions d’emplois", avance-t-il. 
Licenciements en vue
"Les grands groupes du secteur anticipent des plans de licenciements et parlent de suppression de plus de 20 % de leur masse salariale à Paris, d’ici au mois de mars", évoque un professionnel de l’hôtellerie aux Échos. L’aéronautique, la restauration, l’automobile… les secteurs les plus touchés suivent le même chemin. Le sénateur LR Serge Babary estime que 40 % des bars et restaurants pourraient définitivement mettre la clé sous la porte. Serveurs, cuisiniers, plongeurs… autant de salariés qui viendront grossir les rangs des chômeurs. À cela s’ajoute la fin des contrats, non renouvelés des CDD et la perte d’activité des indépendants.
Face à cette situation, pour l’instant contenu, Pôle emploi se prépare à une déferlante. L’institut, à la demande du gouvernement, vient de recruter des centaines de conseillers. Contacté par le HuffPost le représentant Syndical CFDT au CSE de Pôle emploi évoque une perte de 600 000 à 700 000 emplois à venir. Au troisième trimestre 2020, malgré les aides, l’INSEE évoquait un taux de chômage en hausse de 1,9 point avec 2,7 millions de personnes au chômage en France, soit 628 000 nouveaux chômeurs.

Marina Fabre, @fabre_marina
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