En Norvège, pour les bouteilles et canettes, c'est la bourse ou la consigne

Au pays de la consigne, la Norvège, le choix des fabricants de boissons s’est avéré assez restreint : soumis à une taxe environnementale significative sur chaque emballage non collecté pour recyclage, ils ont choisi d’uniformiser et de consigner leurs emballages. Ce qui leur coûte moins cher.

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En Norvège, pour les bouteilles et canettes, c'est la bourse ou la consigne
En Norvège, les canettes et bouteilles en PET sont consignées entre 20 et 30 centimes d'euro. Le taux de retour avoisine 88%.

Dans ce supermarché Coop Obs de Lillestrøm, en périphérie d’Oslo, deux très jeunes filles arrivent chargées de sacs remplis de bouteilles. Elles les insèrent une par une dans un automate de collecte encastré dans le mur. Le corps de la machine, qui couvre environ 6 mètres carrés, est situé derrière le mur, dans une réserve du magasin. Doté de capteurs situés autour de la fenêtre d’insertion des emballages, l’automate rejette impitoyablement les bouteilles non-conformes.

Certaines parce qu'elles viennent de la Suède voisine, d’autres parce qu'elles ont perdu leur étiquette. Sur l’écran digital, le compteur ne valide que les contenants enregistrés dans la base de données d’Infinitum, l’éco-organisme qui pilote le système de consigne norvégien. Avec 34 bouteilles validées, les fillettes vont pouvoir récupérer 95 couronnes norvégiennes (9,35 euros). Elles ont le choix entre allouer cette somme à une cause, comme la lutte contre le cancer, en appuyant sur le bouton jaune ou imprimer un voucher, un bon qu’elles pourront utiliser pour régler leurs achats dans un magasin de la marque ou échanger en caisse contre du liquide. Elles choisiront le voucher.


© Myrtille Delamarche

Ailleurs, d’autres choix sont proposés, comme des remboursements électroniques (c’est le cas en Australie) ou une participation à une loterie permettant de gagner le gros lot (c'est le cas sur certaines machines en Norvège) et dont les bénéfices étant reversés à la Croix-Rouge. Une fois leurs sacs vidés, les deux fillettes glissent leurs sacs et bouteilles refusés dans des casiers de tri sélectif. Plus pressées, elles auraient pu déverser le contenu complet de leurs sacs dans l’automate voisin, qui décompte les bouteilles et canettes autorisées de ce versement en vrac et proposent le même type de remboursement. Mais la machine est nouvelle, et elles n’en connaissent pas le fonctionnement.

Les supermarchés ne sont pas la seule destination des bouteilles et canettes consignées. En Norvège, tous les magasins qui vendent ces boissons sont tenus d’en proposer la reprise. Libre à eux, selon les volumes collectés et la place dont ils disposent, de s’équiper ou non de ces machines dotées d’un compacteur. La place dédiée au stockage des contenants retournés, le temps de travail et l’investissement éventuel dans des automates sont compensés par l’organisme qui pilote ce système de consigne, Infinitum. Ce, à raison de 0,20 couronne par canette compactée et 0,05 par canette collectée manuellement et non compactée. Quelque 3700 automates collectent 94% du flux, quand les 6% restants transitent par les 11 300 points de collecte manuelle.

Des taux de collecte d’environ 88%


Le montant de la consigne ("pant" en norvégien) sur les canettes et bouteilles est fixé à 2 couronnes (près de 20 centimes d’euro) jusqu’à 0,5 litre, 3 couronnes (près de 30 centimes) au-dessus. © Myrtille Delamarche

Le taux de retour via les automates en 2018 était de 87,3% des canettes et 88,6% des bouteilles en PET.  En ajoutant les 11,6% du gisement de canettes non-déconsignées récupéré dans les déchets (tri sélectif, résidus d’incinération), le taux de recyclage du métal des canettes est de 98,9%.

En 2017, avant la hausse des montants de consigne, les taux de retour étaient de 84,3% sur les canettes et 87,8% sur les bouteilles. Le montant de la consigne était alors de 1 couronne (presque 10 cents) sur les petits contenants et 2,5 couronnes (25 cents) sur les grands. Le reliquat des sommes collectées sur les emballages non-déconsignés appartient à Infinitum, qui choisit de le réinvestir ou de le reverser à ses membres, qui devront s’acquitter de la taxe environnementale sur cette part de leurs emballages dont le traitement reste à la charge de la collectivité.

Un éco-organisme dédié


© Myrtille Delamarche

Infinitum joue le rôle d’un éco-organisme des metteurs sur marché des emballages de boisson. Son conseil d’administration compte trois représentants de la distribution et trois producteurs de boissons. Il collecte les éco-contributions auprès de ses membres (soumis à un cahier des charges de recyclabilité de leurs emballages), compense le coût de collecte des magasins et leur reverse les sommes déconsignées qu’ils ont dû rembourser aux consommateurs. Il assure également le tri des emballages collectés. Son centre de tri principal, situé à Fet près d’Oslo, met annuellement en balles près de 8 000 tonnes d’aluminium et plus de 20 000 tonnes de PET. Ne disposant pas pour l’instant de capacités de recyclage, il les exporte en Suède, en Allemagne et aux Pays-Bas, pour un revenu de 18 millions d’euros. En 2021, il disposera sur le même site de sa propre usine de recyclage du PET. Un investissement de près de 20 millions d’euros consenti en partenariat avec Veolia.


© Myrtille Delamarche

A l’origine, une taxe environnementale

Les fabricants de boissons et la grande distribution se sont alliés pour rehausser ensemble les taux de collecte des emballages de boissons lorsque le gouvernement norvégien leur a annoncé, dans les années 1990, la mise en œuvre d’une taxe environnementale destinée à financer le coût de traitement de la fin de vie de leurs produits. Une fois répartie par contenant, cette taxe s'élève à 0,6€ par canette et 0,37€ par bouteille plastique jetable. Chaque metteur sur marché est monitoré sur les volumes produits, vendus et collectés. Jusqu’à 95% de collecte, le taux de cette taxe est dégressif : la taxe reste payable sur le pourcentage de contenants de boissons non revenus. Au-dessus de ce seuil, les producteurs en sont exonérés. Kjell Olav Maldum, le directeur d'Infinitum, raconte combien distributeurs et producteurs ont été motivés pour trouver un système qui leur permette d’atteindre les objectifs de collecte fixés. Ce fut, donc, la consigne.

Grâce au système de consigne, les metteurs sur marché ne paient plus que 0,21 couronne par canette en acier et 0,1 couronne par bouteille en plastique. Quant aux producteurs qui recourent aux canettes en aluminium, ils se voient reverser 0,08 couronne par canette, les revenus de revente de cette matière étant supérieurs aux coûts de collecte et de tri. Le reliquat des consignes non récupérées par les consommateurs qui ne rapportent pas leurs bouteilles et canettes est conservé par Infinitum pour réduire le coût pour les producteurs et distributeurs.

Des emballages plus homogènes

Pour échapper à cette taxe environnementale et entrer dans le système de consigne, les emballages choisis par les metteurs sur marché doivent répondre à certains critères. L’effet est donc très positif sur l’homogénéisation du flux, très majoritairement composé de canettes en aluminium (avec de rares exceptions en acier) et de bouteilles en PET. Un cahier des charges établi par Infinitum s'impose à ses membres, que leurs emballages doivent respecter. Ainsi, les bouteilles en PET doivent avoir un bouchon en PEhd ou PP, pas en métal ni en PVC. Elle doivent être monocouche (sans barrière). L'étiquette ne peut contenir ni PVC, ni encres contenant des métaux lourds. Sa colle doit être soluble à l'eau à 60°C...

Les metteurs sur marché sont libres de choisir d’autres matières pour emballer leurs produits. Mais ceux-ci ne peuvent pas entrer dans le système de consigne. Ils sont alors soumis au paiement de l’éco-contribution (point vert) pour la part effectivement recyclée et de la taxe environnementale pour la part non recyclée.

Du vin en bouteilles plastique et canettes

En France, 68% de la bière est vendue en bouteilles de verre, 14,5% en canettes acier et 17,5% en canettes alu. En Norvège, les canettes acier sont devenues très rares. La vente d’alcool est soumise à un monopole d’Etat, avec des dérogations pour les bières et vins dans les supermarchés mais seulement jusqu’à 18 heures. Vinmonopolet, qui a ce monopole, va progressivement imposer les emballages légers (verre allégé, PET ou canettes) pour les vins de base (moins de 150 couronnes, soit 14,7 euros). Les emballages PET et canettes entreront alors dans le système de consigne, qui en Norvège ne concerne pas le verre. Selon les calculs effectués par Vinmonopolet et Infinitum, l’empreinte carbone de 1 000 litres de vin en bouteilles de 75 cl est de 609 kg de CO2. Dans les nouveaux emballages, elle serait comprise entre 6,6 et 123 kg de CO2, en fonction du taux de matière recyclée dans ces emballages.

Consigne ou gratification ?

Entre les systèmes de collecte déployés actuellement en France (retour des bouteilles, non consignées, contre bons de réduction ou jeux) et le véritable système de consigne choisi par la Norvège, Tomra n’a aucune hésitation. "Notre expérience de la gratification nous montre qu’elle n’est pas rentable à long-terme. Les coûts sont trop élevés. La motivation est plus forte lorsqu’il s’agit de récupérer son argent que de recevoir un cadeau", affirme Michaël Löwe, vice-président affaires publiques de Tomra.

Le leader mondial des automates de déconsignation prône un montant de consigne équilibré, "ni trop bas, pour dissuader le consommateur de jeter sa bouteille, si trop élevé car cela encourage la fraude". Voucher imprimés, photocopiés, bouteilles ressorties et réintroduites dans les automates, les tentatives sont nombreuses. Tomra a développé des systèmes pour toutes les contrer. C'est, avec la robustesse de ses machine, la principale barrière à l'entrée pour ses concurrents.

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