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Tracteurs à Berlin, routes bloquées, grèves: l'Allemagne face à des mouvements sociaux de grande ampleur

C’est une semaine sous haute tension qui s’ouvre en Allemagne, marquée par la mobilisation des agriculteurs, des chauffeurs routiers et des conducteurs de train.

Des tracteurs en plein cœur de Berlin ou à l'entrée des autoroutes dans toutes les régions d'Allemagne. Ces scènes improbables observées outre-Rhin témoignent des fortes tensions sociales que connaît le pays en ce début d'année. Agriculteurs, conducteurs de train et chauffeurs routiers multiplient en effet les manifestations, les mouvements de grève et les blocages cette semaine en Allemagne.

"Il ne faut jamais oublier que ce sont nous les agriculteurs qui produisons la nourriture", peut-on lire sur une pancarte brandie par un manifestant ce lundi 8 janvier, à Ludwigsburg, dans le sud de l'Allemagne. Après la présentation d'un projet de loi prévoyant une suppression des subventions de diesel dans le secteur, les agriculteurs veulent maintenir la pression sur le gouvernement. Et ce, malgré le rétropédalage partiel de l'exécutif allemand la semaine dernière, jugé insuffisant par les exploitants.

Résultat: dès ce lundi, des convois entiers de tracteurs sont envoyés pour bloquer plusieurs entrées d'autoroutes dans tout le pays, à l'appel de l'Union des agriculteurs allemands (DBV).

Des perturbations importantes sur le trafic routier

Les chauffeurs routiers et les sociétés de transports se sont aussi greffés à cette mobilisation généralisée. La fédération des transports ayant appelé à y prendre part, comme le rapporte le journal La Croix ce lundi.

En ce début de matinée, les autorités ont signalé de fortes perturbations sur le trafic routier dans presque toutes les régions allemandes, du Bade-Wurtemberg et la Bavière au sud, en passant par le land le plus peuplé d'Allemagne, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie jusqu'au nord du pays.

En Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, l'ensemble des entrées d'autoroutes étaient bloquées, a indiqué la police de Rostock (nord-est).

Des tracteurs au cœur de Berlin, Hambourg et Brème

Les premiers convois de tracteurs sont entrés dans les métropoles de Hambourg et Brème, au nord, paralysant en partie le trafic. À Cologne (ouest) la police locale a fait état d'un rassemblement "nettement" plus important que prévu. Quelque 500 tracteurs sont arrivés en ville, contre 120 annoncés par les agriculteurs.

À Berlin, les tracteurs ont pris position au cœur de la capitale, près de la porte de Brandebourg.

La colère des agriculteurs s'était enflammée à la suite de la décision du gouvernement de réduire des subventions au secteur en raison d'un rappel à l'ordre des juges constitutionnels portant sur les strictes règles budgétaires de l'Allemagne.

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Le ministre de l'Economie bloqué par les agriculteurs

Face aux protestations, le gouvernement avait adouci jeudi ses projets. L'avantage fiscal accordé sur les quantités de gazole consommées sera ainsi supprimé progressivement jusqu'en 2026 et non d'un coup, comme prévu initialement. De plus, l'avantage en matière de taxe sur les véhicules pour la sylviculture et l'agriculture sera maintenu.

Un compromis jugé insuffisant par la profession. L’action menée jeudi soir par une trentaine d'agriculteurs échauffés en témoigne. Ce soir-là, ils s’en étaient pris au ministre de l’Économie Robert Habeck (Verts), empêchant le ferry où il se trouvait d'accoster alors qu'il revenait de quelques jours de congés sur Hallig Hooge, une île touristique en mer du Nord.

Après une tentative de pourparlers avortée avec les manifestants, le ministre a décidé de rester sur le navire et de retourner en direction de Hallig Hooge. Une fois le calme revenu, il a pu rejoindre le continent vendredi après minuit avec les autres passagers du ferry, selon la police.

"L'ambiance dans le pays s'échauffe tellement"

"Ce qui m'inquiète, c'est que l'ambiance dans le pays s'échauffe tellement", a réagi Robert Habeck dans un communiqué vendredi, remerciant aussi les autres passagers et l'équipage sur le bateau ainsi que la police qui a sécurisé le navire.

"Manifester en Allemagne est un atout précieux", mais "le recours à la force et la violence détruit cet acquis", a ajouté le ministre.

Ce blocage est "honteux et viole les règles de la coexistence démocratique", avait déclaré plus tôt le porte-parole du gouvernement Steffen Hebestreit sur le réseau X, anciennement Twitter. Quant au ministre allemand des Finances Christian Lindner, il avait jugé samedi "disproportionnées" les protestations des agriculteurs.

Les conducteurs de train en grève

Mais l'agriculture et les transports ne sont pas les seuls secteurs remontés. Les conducteurs de train sont appelés à une nouvelle grève de trois jours de mercredi à vendredi soir, a annoncé dimanche le syndicat GDL. Cette mobilisation fait suite à l'échec de négociations sur les salaires et le temps de travail avec l'opérateur public Deutsche Bahn (DB).

"Le groupe DB n'a pas profité de la trêve de Noël pour empêcher des actions collectives en présentant une offre négociable", a affirmé dans un communiqué le syndicat engagé depuis plusieurs mois dans un bras de fer avec la Deutsche Bahn, et qui a déjà mené plusieurs grèves en 2023.

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C'est l'arrêt de travail le plus long initié jusqu'ici par le syndicat dans les négociations conflictuelles qu'il mène avec la direction de l'opérateur ferroviaire. Les cheminots allemands avaient déjà fait grève en novembre et en décembre notamment.

"Cette grève est non seulement absolument inutile, mais nous pensons également qu'elle n'est pas légalement autorisée", a réagi dimanche Martin Seiler, directeur des ressources humaines de la DB, dans un communiqué, annonçant un recours en justice pour empêcher la grève.

Le mouvement "aura un impact considérable sur l'exploitation ferroviaire", prévient la DB. Les perturbations du transport de marchandises ont un coût élevé pour l'économie allemande déjà en difficulté.

Outre des hausses de salaires pour compenser l'inflation, GDL, qui représente environ 10.000 salariés, revendique également de négocier un passage à la semaine de 35 heures sur quatre jours.

Nina Le Clerre avec AFP