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Les mensonges qui ont changé le cours de l'histoire: les supposées armes de destruction massive

Des membres du conseil de sécurité de l'ONU écoutent la présentation de Colin Powell, le secrétaire d'État américain, le 5 février 2003 à New York

Des membres du conseil de sécurité de l'ONU écoutent la présentation de Colin Powell, le secrétaire d'État américain, le 5 février 2003 à New York - Timothy A. Clary-AFP

5/5. Cet été, BFMTV.com revient sur cinq grands mensonges qui ont changé le cours de l'Histoire. Dernier épisode de la série avec le déclenchement de la guerre en Irak.

Ce sera l'argument déclencheur de l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003. Les armes de destruction massive qui seraient détenues par Saddam Hussein. La guerre durera près de dix ans, causera plusieurs centaines de milliers de morts, fera éclater les violences inter-communautaires et favorisera l'émergence de Daesh.

"Pas de doute" sur les armes

Après les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis déclarent la guerre au terrorisme. D'abord avec la guerre en Afghanistan dès le mois d'octobre suivant pour renverser le régime taliban. Mais dans le même temps, les États-Unis se tournent vers l'Irak, qu'ils accusent d'entretenir des liens avec Al-Qaïda.

Dès l'été 2002, Dick Cheney, le vice-président américain, déclare qu'il "n'y a pas de doute" que Saddam Hussein, le dictateur irakien, ait "des armes de destruction massive". Dans les mois suivants, les déclarations du même genre se succèdent. En septembre de la même année, le directeur de la CIA ainsi que Colin Powell, le secrétaire d'État américain, affirment devant le Sénat que Saddam Hussein est en train d'essayer d'acheter du yellowcake - ou concentré orange, un concentré d'uranium - au Niger.

En fin d'année, George W. Bush assure que "le régime irakien possède des armes biologiques et chimiques, reconstruit des installations pour en fabriquer encore plus et selon le gouvernement britannique pourrait lancer une attaque chimique ou biologique en 45 minutes. Ce régime cherche à avoir la bombe nucléaire et avec des matériaux fissiles pourrait en fabriquer un en un an".

L'anthrax et les preuves

Pourant, certaines voix officielles, dont des diplomates et des hauts gradés, émettent de sérieux doutes sur cette hypothèse. Mais elles ne sont pas entendues.

Le 5 février 2003, devant le conseil de sécurité des Nations unies, Colin Powell présente un dossier sur un programme de fabrication d'arme de destruction massive. Il fait défiler des images de camions qui seraient des prototypes de laboratoire mobile de recherche biologique, des photos satellites qui représenteraient des usines d'armes chimiques. Pour appuyer son propos, il brandit même une capsule d'anthrax.

Des "gaffes" et un faux informateur

Cette guerre "préventive" débutera au mois de mars. Elle sera menée sans l'aval de l'ONU et conduira à la défaite de l'armée irakienne puis à l'arrestation de Saddam Hussein, qui sera exécuté un an plus tard. Au mois de mai suivant, George W. Bush déclarera la fin des combats, "mission accomplie".

Durant la guerre, des inspections de l'ONU ne trouveront pourtant aucune arme de destruction massive. Quant aux investigations américaines sur le terrain, elles s'accorderont également pour conclure que l'Irak avait bel et bien abandonné son programme nucléaire, chimique et biologique après 1991 - date de l'intervention militaire des États-Unis contre l'Irak après son invasion du Koweït.

En réalité, le dossier cité par Colin Powell a été fourni par l'administration de Tony Blair - le Premier ministre britannique - qui reconnaîtra d'ailleurs des "gaffes" à ce sujet. Les accusations du secrétaire d'État américain s'appuyaient également sur la base de faux renseignements d'un informateur - nom de code "Curveball" - de la CIA. Cet ingénieur chimiste irakien reconnaîtra plus tard avoir tout inventé pour renverser Saddam Hussein.

Colin Powell, le secrétaire d'État américain, brandit une fiole d'anthrax le 5 février 2003 au conseil de sécurité de l'ONU
Colin Powell, le secrétaire d'État américain, brandit une fiole d'anthrax le 5 février 2003 au conseil de sécurité de l'ONU © Timothy A. Clary-AFP

Des armes... américaines

Plus de dix ans après la guerre, une enquête du New York Times a révélé que des armes chimiques avaient pourtant été découvertes. Mais elles n'avaient pas été fabriquées par Saddam Hussein. "Les munitions avaient été conçues aux États-Unis, fabriquées en Europe et remplies de produits chimiques sur les lignes de productions irakiennes, par des sociétés occidentales", précise le New York Times.

L'implication américaine dans cet arsenal chimique a longtemps été volontairement passée sous silence. Si ces 5000 munitions datant des années 80 et de la guerre Iran-Irak étaient en partie vétustes, elles ont tout de même exposé à des produits toxiques plusieurs centaines de militaires américains et de policiers irakiens. Certaines munitions chimiques ont également servi à la confection d'engins explosifs par la guérilla irakienne.

En 2015, le rapport secret des services américains de renseignement utilisé pour justifier l'invasion de l'Irak était rendu public. Dans le document, rien n'indique en effet que le pays détenait alors des armes de destruction massive.

Pour les armes chimiques, le rapport note que l'Irak a "rénové une usine de fabrication de vaccins" et détient toujours des stocks de certains gaz (comme le sarin) mais n'a pas relancé de programme d'armes biologiques. Et en ce qui concerne les armes nucléaires, Saddam Hussein n'avait "pas les moyens" d'en fabriquer, pointe le rapport.

Au lendemain de la guerre, le président Bush mettra en place une commission pour enquêter sur les erreurs commises concernant les armes de destruction massive. L'administration américaine finira par reconnaître l'année suivante qu'elles n'existaient pas.

Qui savait?

Quant à Colin Powell, il dira plus tard son "amertume" - reconnaissant que sa présentation au conseil de sécurité de l'ONU faisait "tache" dans sa carrière. Des instituts indépendants ont enquêté sur les faux prétextes de la guerre en Irak et ont recensé un total de 935 mensonges dans les déclarations publiques de George W. Bush, Dick Cheney, Condoleezza Rice (la conseillère à la sécurité nationale), Colin Powell, Donald Rumsfeld (le secrétaire à la Défense) et les porte-parole de la Maison Blanche.

En 2009, un haut responsable du ministère britannique des Affaires étrangères, en poste à cette époque, a déclaré que Tony Blair savait, avant le déclenchement de la guerre, que l'Irak n'avait plus d'armes de destruction massive.

Pour l'historien Louis-Pascal Jacquemond, des zones d'ombre demeurent. "On a eu la fabrication d'un faux pour pouvoir influer sur les décisions de l'ONU", explique-t-il à BFMTV.com. On le sait aujourd'hui: l'enjeu de cette guerre, c'était bel et bien l'accès au brut irakien.

"L'idée c'était de parvenir à contrôler la rente pétrolière irakienne de façon à faire augmener les prix du baril et conserver les bénéfices économiques pour les États-Unis. On sait qu'il y a eu des collusions entre le pouvoir, les militaires et les industriels du pétrole. Mais dès que l'on touche au Pentagone, c'est toujours très difficile de creuser et d'avoir accès à tous les documents."

Pour lire les précédents épisodes de la série, c'est ici avec le premier: le syndrome K, cette fausse épidémie qui a sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Le deuxième: la fausse donation de l'empereur Constantin. Le troisième: les Protocoles des Sages de Sion. Et le quatrième: la fausse agression du Nord-Vietnam.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV