Un Covid long peut également survenir chez des personnes vaccinées atteintes de Covid-19

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On le sait, une infection par le SARS-CoV-2 peut entraîner des troubles prolongés, ce que l’on appelle la Covid-longue. Le terme « Covid-long » a, tout d’abord, été utilisé par les patients puis repris dans la littérature médicale anglo-saxonne (long Covid) pour qualifier ces symptômes séquellaires post-Covid. Mais qu’en est-il lorsque la Covid-19 se déclare chez une personne infectée par le SARS-CoV-2 préalablement vaccinée, autrement dit lorsque la maladie survient après une infection post-vaccinale (désignée en anglais sous le terme de breakthrough infection) ? Dans ce domaine, les choses sont moins claires, alors qu’il s’agit pourtant d’une thématique importante en termes de santé publique.

Des chercheurs américains ont utilisé les bases de données numériques de santé du ministère des anciens combattants afin de savoir si les personnes, ayant développé une maladie Covid-19, alors qu’elles étaient vaccinées ont par la suite présenté des troubles séquellaires. L’objectif était d’évaluer le risque de présenter six mois plus tard des séquelles et donc d’attester de la présence à ce moment-là de ce qu’on appelle communément un Covid-long.

Leurs résultats ont été publiés le 15 novembre 2021 dans un preprint mis en ligne sur la plateforme de prépublication Research Square du groupe Nature. Ils n’ont pas encore été validés par les pairs.

Les données obtenues portent sur des patients ayant survécu au-delà des 30 premiers jours de la maladie, qu’ils aient ou non été hospitalisés pendant cette période. Ces patients ont été comparés à un groupe contrôle composé d’individus n’ayant pas développé la Covid-19. Une analyse comparative a été conduite sur le niveau de risque encouru par les personnes vaccinées ayant développé une maladie Covid-19 après infection post-vaccinale (breakthrough Covid-19) et celles qui, non vaccinées, ont développé la Covid-19. Enfin, une analyse a comparé les personnes hospitalisées pour une breakthrough Covid-19 à celles hospitalisées pour une grippe saisonnière.

Au total, le groupe des vaccinés ayant développé une maladie Covid-19 comptait plus de 16 000 personnes, celui du groupe contrôle était composé de plus de 3,5 millions d’individus. L’âge moyen des personnes ayant présenté une Covid-19 malgré la vaccination et celles du groupe contrôle était respectivement de 66 ans et 63 ans. L’âge moyen des patients Covid-19 vaccinés ayant été hospitalisés était de 72 ans. Il était de 65 ans chez ceux qui n’ont pas été hospitalisés.

Il ressort que, comparées aux individus n’ayant pas développé de Covid-19, les personnes qui ont souffert de Covid-19 après avoir contracté le virus après vaccination ont un risque accru de décès et de développer des troubles séquellaires [1].

Les symptômes séquellaires peuvent être pulmonaires ou extra-pulmonaires. Dans ce dernier cas, les troubles peuvent être cardiovasculaires, gastro-intestinaux, rénaux, neurologiques, musculaires ou généraux (comme la fatigue) ou affecter la coagulation. Il apparaît que le risque de développer au moins un trouble séquellaire est aussi plus élevé chez les patients ayant développé une Covid-19 tout en ayant été vaccinés [2].

Les résultats indiquent donc que les patients n’ayant pas été hospitalisés dans les 30 jours après avoir développé une Covid-19 tout en ayant été vaccinés (breakthrough Covid-19) ont présenté « un petit risque, mais non négligeable » de décès et de symptômes séquellaires. Cette étude montre que le risque est plus élevé chez les patients qui ont dû être hospitalisés [3].

Chez les vaccinés, un risque de Covid-long inférieur à celui des non-vaccinés

Les chercheurs de la faculté de médecine Washington (Saint-Louis, Missouri) et du Veterans Affairs (VA) Saint Louis Health Care System ajoutent que leur analyse comparative a mis en évidence que le risque de décès ou de séquelles chez les personnes ayant présenté une maladie Covid-19 suite à une infection post-vaccinale était moindre que chez les individus non vaccinés qui ont développé une Covid-19 [4]. La différence n’était pas statistiquement significative pour les séquelles rénales, gastro-intestinales, neurologiques ou concernant la santé mentale.

En particulier, par rapport aux personnes non vaccinées atteintes de Covid-19, le risque de présenter une séquelle cardiovasculaire, métabolique, pulmonaire, ou affectant la coagulation, ou de la fatigue, était moindre chez les personnes vaccinées ayant développé la maladie Covid-19.

Par ailleurs, le risque de décès et de troubles séquellaires chez les individus hospitalisés pendant la phase aiguë d’une Covid-19 suite à une infection post-vaccinale (breakthrough Covid-19) était plus important que chez les personnes atteintes de grippe saisonnière.

Globalement, ces résultats montrent donc que les personnes vaccinées ayant développé une maladie Covid-19 présentent un risque non négligeable de décès et de séquelles. Celui-ci est également présent chez les patients qui n’ont pas été hospitalisés. Ce risque est « petit mais non trivial », insistent les auteurs.

« Nos résultats montrent que le Covid-long avec sa myriade de séquelles se manifeste également chez les individus vaccinés qui présentent une breakthrough Covid-19 », résument Ziyad Al-Aly et ses collègues qui insistent sur la réduction de ce risque conférée par la vaccination.

En termes de santé publique, ces données soulignent la nécessité de continuer à respecter, même après avoir été vacciné contre la Covid-19, les gestes et mesures barrières (port correct du masque, distanciation physique, aération des espaces clos) afin de prévenir au mieux la survenue d’une infection post-vaccinale par le SARS-CoV-2.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

[1] Le HR (hazard ratio) est le rapport des risques dans le groupe traité divisé par le risque dans le groupe contrôle. On associe au HR un intervalle de confiance (valeurs indiquées  entre parenthèses). Comparée au groupe contrôle, la probabilité de décès parmi les patients après les 30 premiers jours était de 53 % supérieure (HR = 1,53 (IC 95% : 1,36-1,72). L’excès de mortalité (excess burden of death) à 6 mois a été estimé à 11,45 pour 1 000 personnes (IC 95% : 7,77-15,58).

[2] Concernant le risque de présenter au moins un trouble séquellaire : HR = 1,59 (1,53-1,65). Ce fléau a été estimé à 98,64 pour 1 000 personnes (89,01-108,51).

[3] Concernant le risque de décès : HR = 1,20 (1,02-1,40) chez les patients non hospitalisés vs. HR = 2,12 (1,77-2,53) chez les patients hospitalisés. En outre, le risque de développer au moins un trouble séquellaire était manifeste chez les patients non hospitalisés [HR = 1,30 (1,24-1,36)], correspondant à un excès d’environ 45 personnes sur 1 000. Il était encore plus élevé chez les patients hospitalisés [HR = 2,91 (2,72-3,13)], correspondant à un excès d’environ 311 personnes sur 1 000.

[4] Par rapport aux personnes non vaccinées ayant eu la Covid-19, les personnes qui ont eu la maladie Covid-19 alors qu’elles avaient reçu le vaccin ont présenté un risque de décès inférieur [HR = 0,65 (0,55-0,76); burden (fléau): -12,97 (-16,58, -8,74)] et un moindre risque de présenter un trouble séquellaire [HR = 0,87 (0,83-0,92); burden (fléau) : -30.60 (-42,25, -18,49)].

Pour en savoir plus :

Al-Aly Z, Bowe B, Xie Y. Long Covid after Breakthrough COVID-19: the post-acute sequelae of breakthrough COVID-19. Research Square (preprint at a Nature Portfolio Journal) Posted 15 Nov, 2021. doi: 10.21203/rs.3.rs-1062160/v1

Al-Aly Z, Xie Y, Bowe B. High-dimensional characterization of post-acute sequelae of COVID-19. Nature. 2021 Jun;594(7862):259-264. doi: 10.1038/s41586-021-03553-9

Juthani PV, Gupta A, Borges KA, et al. Hospitalisation among vaccine breakthrough COVID-19 infections. Lancet Infect Dis. 2021 Nov;21(11):1485-1486. doi: 10.1016/S1473-3099(21)00558-2

Rana K, Mohindra R, Pinnaka L. Vaccine Breakthrough Infections with SARS-CoV-2 Variants. N Engl J Med. 2021 Jul 8;385(2):e7. doi: 10.1056/NEJMc2107808

2 réponses sur “Un Covid long peut également survenir chez des personnes vaccinées atteintes de Covid-19”

  1. Quid de la publication récente suggérant que la majorité des symptômes était statistiquement associée au fait de penser avoir été infecté, mais pas aux traces mesurables d’infection ? Ou pour mettre les pieds dans le plat, comment estimer/corriger l’effet nocebo dans ce genre d’études rétrospectives, dans un contexte hautement anxiogène ? https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34747982/

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