« L'anti-spécisme est à l'écologie ce que l'intégrisme est à la religion »

Deux militants anti-spécistes comparaissaient ce mardi devant le tribunal de Paris pour violence et dégradations en réunion. Nous étions à l'audience.

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Manifestation antispéciste en mai 2019.

Manifestation antispéciste en mai 2019.

Temps de lecture : 4 min

Dos droit, jambes raides et mains croisées comme des enfants sages, Ludivine R., 30 ans, et Pierre-Antoine C., 21 ans, se présentent à la barre du tribunal, presque blottis l'un contre l'autre. Les deux militants anti-spécistes, qui s'échangeaient des regards passionnés à l'extérieur de la salle, n'en mènent pas large. Ils comparaissent ce mardi 4 juin devant la 23e chambre du tribunal de Paris pour avoir commis des violences en rependant du faux sang sur une boucherie bio du marché Saint-Quentin. Le 4 mai 2019, la quinzaine de militants entre dans le marché et déverse le contenu de ses bouteilles en hurlant « justice pour les animaux » et en brandissant des affiches.

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Sauf que le happening tourne mal. Le fleuriste balance des seaux d'eau sur les militants, le poissonnier déroule son jet d'eau, le fromager, qui a reçu du faux sang dans l'œil sort de son étal pour repousser les agitateurs qui sont définitivement mis dehors par le charcutier. Dans la cohue générale, le boucher bio initialement visé, Steeven K., a même reçu des coups, entraînant une incapacité temporaire de travail de 7 jours. Il a dû aussi jeter toute sa marchandise et vit depuis dans la peur d'être à nouveau victime d'une attaque.

Ils s'excusent pour les dégradations commises

Malgré la présence d'un public acquis à leur cause et malgré la présence de nombreux journalistes, les deux militants ne cherchent pas à transformer leur procès en tribune politique. Au contraire. Ils s'excusent pour les dégradations commises et répondent poliment aux questions de la présidente. Ils se déclarent pacifistes et ne reconnaissent pas les violences. Le faux sang ? « Un liquide entièrement végétal », mais ils ne savent pas vraiment ce que contenait les bouteilles qu'on leur a remises dans le square près du marché juste avant l'opération.

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Il faudra que l'avocat de la filière les cuisine pour qu'ils consentent à expliquer leur cause et le sens de leur action : « On se bat contre l'exploitation animale. Le but de l'opération était de créer un lien entre la viande dans la vitrine, le sang répandu et les animaux sur affiches que l'on brandissait. » L'avocat de la filière professionnelle : « Vous considérez-vous comme anti-spéciste ? » Lui : « Pas exactement, mais on ne va pas forcément juger un individu selon son espèce », explique l'étudiant en mathématiques.

Le profil des prévenus est assez inhabituel pour un tribunal : le jeune homme, inconnu des services de police, vit chez ses parents. Il est étudiant en 3e année de licence de maths à la Sorbonne et donne quelques cours particuliers en espérant devenir un jour enseignant. Il entretient depuis un an et demi une relation, manifestement passionnée, avec sa co-prévenue, caissière sans emploi, qui déclare traverser une période difficile depuis la mort de sa mère. La cause animale les a soudés. Ils promettent qu'ils ne participeront plus qu'à des manifestations autorisées et non violentes.

Sa seule faute, c'est d'être boucher et d'exercer son métier

Ces repentances prudentes n'auront pas attendri l'avocate du boucher agressé. « Mon client préparait une commande quand son univers a basculé dans le chaos. De la violence et de la haine, il n'y a que ça dans ce dossier. Sa seule faute, c'est d'être boucher et d'exercer son métier. Cette rage à vouloir détruire cette profession est une insulte à la liberté du travail. Pour la première fois, les véganes ont blessé un boucher. » L'avocat des parties civiles surenchérit : « l'anti-spécisme est à l'écologie ce que l'intégrisme est à la religion ». Celui de la fédération de la boucherie dénonce « les dictateurs de la bonne conscience » et demande un euro symbolique de dommages.

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La procureure de la République réclame pour les prévenus une « peine d'avertissement », une peine « significative qui doit leur faire comprendre que leurs idéaux ne peuvent pas les conduire à nouveau devant un tribunal correctionnel ». Elle requiert six mois avec sursis pour lui et trois mois avec sursis pour elle. L'avocat de la défense refuse lui aussi de transformer ses plaidoiries en tribune anti-spéciste : « Je vais décevoir les parties civiles, mais je vais me concentrer sur le dossier. Lorsqu'on les qualifie de dictateurs ou de terroristes, l'histoire récente incite quand même à la prudence. » Ses clients venus avec un sac à dos d'écolier à motif « têtes de chats » ne sauraient, pour lui, représenter un danger pour la société. « J'entends que l'on veuille faire de cette audience celle où des militants passent un seuil dans la radicalité, mais ils restent dans la rue en face et repassent devant le marché pour aller au cinéma… est-ce là le comportement de terroristes radicaux ? » Les deux militants seront fixés sur leur sort le 25 juin.

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Commentaires (14)

  • sergio46

    Et la mediocratie fait des progrès fulgurants, hélas !

  • Battre_la_campagne

    "Cette rage à vouloir détruire cette profession est une insulte à la liberté du travail. "
    Les deux derniers mots sont de trop...

  • justin46

    Ces deux anti-spécistes ne sont pas très cohérents, on ne sait pas quoi penser de leurs déclarations, quand aux faits, ils sont violents, prémédités, et causent des préjudices importants aux personnes agressées à la fois matériels et moraux, ils doivent réparer pécuniairement le préjudice qu'ils ont causé et avoir une amende suffisamment dissuasive pour que ce type d'agression ne soit pas encouragé par des peines qui n'en sont pas.